PMA : « Tout enfant a droit à un père »

Dans le cadre de l’émission Parole d’évêque sur Dialogue RCF, Monseigneur Christophe Dufour clarifie la position de l’Église sur la question de la Procréation Médicalement Assistée (PMA).

La PMA, c’est « l’ensemble des techniques cliniques ou biologiques permettant la conception in vitro » – donc en dehors du corps de la femme, « le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ». Cela englobe donc l’insémination artificielle et les bébés « éprouvette ».

La PMA est aujourd’hui réservée aux couples stériles ou aux couples qu’une grossesse mettrait en danger. C’est une immense souffrance de ne pas pouvoir procréer sereinement. Christophe Dufour, l’Église catholique comprend-elle ce désir de procréation, quitte à passer par la PMA ?

Il faut souligner l’immense souffrance pour un couple de découvrir qu’il ne peut pas procréer, mettre au monde un enfant par les méthodes naturelles.

L’Église comprend cette souffrance et elle est extrêmement prudente sur la question de la PMA. La loi française autorise la PMA dans un objectif thérapeutique, c’est –à-dire pour compenser une infertilité médicalement diagnostiquée dans des conditions très strictes : c’est réservé aux couples homme-femme, vivant, en âge de procréer, porteur d’un projet parental. On estime à 25000 naissances par an par PMA, soit 3% des naissances par an.

Je voudrais poser une question : pourquoi y a-t-il de plus en plus de couples qui sont confrontés à cette question de l’infertilité ? Entre 12 et 15% consultent aujourd’hui ; et c’est en augmentation. Cela nous interroge sur la place de la technologie, de la chimie, la place d’un certain nombre de produits. Marianne Durano a publié un livre dans ce sens : on intoxique les femmes d’une certaine façon.

Voilà pourquoi l’Église est prudente sur cette question, dans sa grande sagesse traditionnelle.

Y a-t-il la peur d’arriver à une revendication d’un droit à l’enfant ?

L’église pose deux questions :

La première, c’est la dissociation entre la sexualité et la procréation. Pourquoi y a-t-il des hommes et des femmes ? C’est pour qu’ils s’unissent, pour s’aimer, faire grandir un amour profond, et comme fécondité de cet amour, la naissance d’un enfant. La dissociation pose question. L’Église pose des questions pour éveiller les consciences.

La deuxième, qui à mon avis est beaucoup plus grave : dans la plupart des FIV, plusieurs embryons sont conçus. Que fait-on des embryons qui ne sont pas implantés lors d’une FIV ? S’il y a un deuxième projet parental pour un deuxième enfant, on pourra reprendre un de ces embryons. Mais la plupart du temps, ces embryons sont congelés. Seront-ils détruits ? Vendus pour expérimentations ? Toutes ces questions sont graves.

Sur la question de la dissociation entre sexualité et procréation, lors d’une PMA, la fécondation se fait en dehors du corps. L’Église catholique craint-elle une déshumanisation ?

Il y a moins d’humanité, moins d’humain dans cette technique.

Jacques Testart, qui a été le premier en France à réaliser des FIV, a vu le premier les risques énormes d’eugénisme. A partir du moment où on peut fabriquer les embryons, on peut en faire le tri. D’ailleurs aujourd’hui il y a ce diagnostic préimplantatoire. Avant d’implanter on regarde si l’embryon est le meilleur possible. On pourra bientôt choisir si c’est un garçon ou une fille. La tentation sera très grande d’abuser de ce pouvoir technique.

Cela porte atteinte à la dignité de l’embryon. Quel grand principe guide la position de l’Église sur la question des embryons surnuméraires ?

Nous sommes tenus au respect de l’embryon qui est déjà un être humain, on ne peut pas le faire disparaitre.

L’actualité sur le sujet de la PMA, c’est l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et femmes seules. Pourquoi l’Église catholique est-elle réticence à cet élargissement ?

Cela revient à décréter l’existence d’enfants nés sans père. Il existe déjà bien sûr des enfants qui n’ont pas de père. Parce que le père est décédé, parce que le père a quitté la maison, parce que le père n’a pas voulu reconnaitre l’enfant. Dans ces cas, c’est la responsabilité humaine qui est en jeu, c’est un accident.

Mais dans le cas de la PMA pour les couples de femmes, l’enfant saura un jour qu’il est né sans père, c’est fâcheux pour le développement psychologique, d’un point de social. L’absence du père est très problématique.

Avec la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, on organise la disparition du père ?

L’enfant naitra sans père, tout enfant qui est conçu a droit à un père. Avec la PMA on sépare aussi la filiation de la biologie. C’est une violence faite contre l’unité de la personne humaine. Le CCNE a donné un avis minoritaire à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

Un argument que l’on entend en faveur de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, c’est de dire : ce qui compte, c’est l’amour donné à un enfant…

A l’arrivée, l’enfant aura reçu beaucoup d’un couple de femmes. Mais je me situe au point de départ. Il y a quelque chose de cassé au départ, et il faudra compenser beaucoup.

L’autre argument pour l’ouverture de la PMA, c’est l’égalité des couples. Mais nous disons que cela crée une inégalité parmi les enfants, entre ceux nés sans père et ceux avec un père.

Je remarque que la CEDH valide aujourd’hui la loi française actuelle, au nom de cette égalité des enfants.

Y a-t-il une forme d’instrumentalisation des enfants pour soulager une souffrance ou une incapacité naturelle ?

Le droit de l’enfant passe avant le droit à l’enfant. On peut reconnaitre qu’un couple de femmes ait le désir d’un enfant mais nous ne devons jamais oublier que tout enfant a droit à un père, et la PMA élargie aux couples de femmes et aux femmes seules introduirait une inégalité de droit dans un projet de loi.