Recherche sur l’embryon : la tentation de l’orgueil

Dans le cadre de l’émission Parole d’évêque sur Dialogue RCF, Monseigneur Christophe Dufour clarifie la position de l’Église sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

La loi française autorise, sous certaines conditions, la recherche sur des cellules souches, c’est-à-dire qui ne sont pas encore spécialisées, et qui sont issues d’embryons humains. D’où viennent ces embryons ? Il s’agit d’embryons conçus par FIV dans le cadre d’une PMA. Ces embryons surnuméraires sont donnés à la recherche par le couple. Pourquoi l’Église s’indigne t-telle ?

Je voudrais poser une question… l’embryon est-il un être humain ? La rencontre du gamète de l’homme et de l’ovocyte de la femme forme le zygote. J’ai eu l’occasion de rencontrer des élèves de Terminale SMS au lycée du Sacré Cœur. C’est la première question que je leur ai posée. Evidemment, ils me disent ‘oui, l’embryon est un être humain’. Et nous, catholiques, nous disons oui. Et toute notre réflexion éthique découle de cette conviction, que l’embryon est un être humain.

Alors l’Église catholique encourage la recherche, pour un bien, pour les soins thérapeutiques que l’on peut apporter à l’embryon lui-même. Donc l’Église encourage la recherche à condition qu’elle respecte la vie de l’embryon et ne stoppe son développement. Tout le débat part de cette question : l’embryon est-il un être humain ? Si oui, on ne peut pas porter atteinte à sa vie.

Vous avez utilisé le mot « d’autoriser ». En 1994, l’interdiction sur les cellules souches embryonnaires était la règle générale. Petit à petit on a ouvert à des exceptions. Puis l’interdiction est devenue une autorisation sous conditions. Voilà, la dérive de ce vocabulaire est inquiétante.

De ces embryons surnuméraires, on en extrait des cellules souches. Cela stoppe le développement de l’embryon qui meurt. De toutes les façons ces embryons ne correspondaient pas à un quelconque projet parental. Pourquoi ne pas les utiliser pour la recherche ?

En effet, il y a un flot d’embryons, donc la tentation est grande de les utiliser pour la recherche mais aussi d’en faire un commerce, notamment entre les laboratoires. Commençons par ne pas faire ces embryons surnuméraires. Si déjà dans le cadre d’une PMA, on ne faisait qu’un embryon par couple, il n’y en aurait pas en trop. Que l’on cesse de produire des embryons sans projet parental !

La recherche sur les cellules souches embryonnaires pourrait permettre de grandes avancées médicales. N’est-ce pas un mal pour un bien ?

Je vais être très clair. Peut-être pourrait-il y avoir de grandes avancées médicales grâce à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais cela n’est pas prouvé. Peut-être sur la question des maladies cardiaques ou ophtalmo. Par contre il y a beaucoup plus de promesses sur les cellules souches adultes, à partir des cellules du sang du cordon ombilical. Il faut vraiment encourager la recherche sur les cellules souches adultes et abandonner les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Le point de vue est clair.

Vous avez parlé de la question du surnombre d’embryons produits dans le cadre d’une FIV. Certains sont congelés ou détruits. Finalement l’opposition de l’Église à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, découle-t-elle de l’opposition plus globale à la Procréation Médicalement Assistée ?

Oui, c’est cela.

En Allemagne, la règle, c’est de ne produire qu’un seul embryon dans le cadre de la PMA. En France, il n’y a pas cette limite, donc on peut en produire 3 ou 4 ou 5. Certains embryons surnuméraires vont finalement être implantés car il y aura un projet d’un second enfant. Je crois qu’il y a 200 000 embryons qui sont congelés ou mis à la disposition de la recherche.

Je me rappelle d’une rencontre avec un jeune étudiant en thèse de biologie. Au cours de notre conversation, il a découvert que le matériau sur lequel il travaillait, c’était des embryons humains. Il n’avait pas réalisé. Voyez à quel point on est devenu matérialiste aujourd’hui en ce qui concerne l’embryon humain.

Quelles pourraient être les dérives dans le cadre de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ?

Il y a ce que l’on appelle le diagnostic préimplantatoire dans le cadre des FIV, et c’est bien sûr lié aux recherches sur l’embryon. À partir du moment où on s’aperçoit que l’embryon n’est pas bon, pas comme il faut, ou comme le désirent les parents, et bien on pourrait faire le tri, la sélection après ce diagnostic. Et Jacques Testart a été un des premiers à protester contre ce risque d’eugénisme à propos de la FIV. N’oublions pas qu’il est le père des bébés éprouvette, il a cessé ses recherches en voyant les dérives. C’est un peu comme le père de la fission nucléaire de l’atome qui a arrêté ses recherches quand il a vu qu’on produisait des bombes atomiques. Donc oui, il y a un risque d’eugénisme inconscient qui devient presque conscient, et c’est beaucoup plus grave : s’il y a un risque que l’enfant soit mal formé, on va l’éliminer dans le sein de la mère.

Craignez-vous que l’on joue à Prométhée ?

Je le répète, les recherches pour l’embryon sont nécessaires pour guérir l’embryon, à en prendre soin. C’est ça la finalité de la recherche. Quand on sait qu’on est capable aujourd’hui de modifier des gênes à partir d’un embryon, ce qui est aujourd’hui interdit en France car cela pourrait avoir de grandes conséquences sur la descendance. On parle aussi des ciseaux ADN pour modifier l’intégrité de la personne. Oui il y a des risques aujourd’hui de succomber à la tentation de l’orgueil, c’est-à-dire la recherche pour la recherche. Je pense toujours au démon dans le jardin de la Création qui murmurait à l’oreille du premier homme et de la première femme « vous serez comme des Dieux ». La tentation aujourd‘hui, ça n’est pas de devenir Prométhée mais Dieu.

Quelle vision de la société l’Église catholique défend-elle ?

Quelle humanité voulons-nous ? Quel humain voulons-nous ? Qu’est-ce qui est véritablement un progrès pour l’humain ? Alors on investit sur les technologies, et toujours plus de technologies. Mais il faudrait plus investir sur ce qui ferait vraiment progresser l’humanité. Par exemple dans la relation. Il y a un gros investissement dans la santé, mais sur le social investit-on autant ? Sur la manière de vivre ensemble ? C’est une question de choix stratégique, financier, de budget. Voilà la question qui est derrière ces États Généraux de la bioéthique : quelle humanité, quel bonheur pour l’homme voulons nous ?