« L’émerveillement est le mot clef de ce voyage des élus »

Dans le cadre de l’émission Parole d’évêque sur Dialogue RCF, Monseigneur Christophe Dufour revient sur le voyage des élus à Rome, du 11 au 14 mars dernier.

Mi-mars, vous avez accompagné à Rome 150 élus de Provence et leurs conjoints. Vous avez rencontré le pape, ainsi que des responsables de dicastères, le fondateur de la communauté Sant’Egidio… Le but de ce voyage, c’était de faire découvrir l’Église et son fonctionnement aux responsables politiques. À votre avis, Monseigneur Dufour, ce voyage a-t-il permis de démystifier l’Église ?

Démystifier, le mot n’est pas juste. Le cœur de l’Église est grandiose, on ouvre des grands yeux. Des idées préconçues sont certainement tombées, et un autre visage de l’Église leur est apparu. Ils ont été émerveillés de toutes leurs découvertes. Pour moi, le mot clef de ce voyage, c’est « l’émerveillement ». Eux de ce qu’ils découvraient de l’Église ; moi, de les voir émerveillés.

Quel est ce nouveau visage dont vous parlez ?

Je pense qu’ils devaient imaginer quelque chose de très ecclésiastique, un petit monde à part, clos. Et ils ont découvert que le petit État du Vatican de 44 hectares a une vision planétaire. Ce petit État est en relation diplomatique avec 183 pays. Les élus ont découvert cette réalité : toutes les questions du monde sont présentes dans ce tout petit État de 44 hectares.

Du coup, cela confère-t-il une certaine sagesse au message de l’Église, ou bien est-ce d’un autre ordre ?

Cela aspire le respect. Quand les autorités de l’Église parlent, quand le pape parle, on comprend que tout le monde écoute car il est en connexion concrète, en réseau effectif avec 183 pays et les églises présentes dans ces 183 pays. Et même si l’Église est toute petite, elle a une institution qui est connectée à toutes les réalités locales.

Vous avez parlé d’émerveillement chez ces hommes et femmes politiques. Que voulez-vous dire par émerveillement ?

Il y a l’émerveillement de la figure du pape François, c’était le clou de ce voyage.

Avant de rencontrer le pape François, nous avons rencontré le cardinal Parolin, qui est le secrétaire d’État, c’est-à-dire le Premier Ministre du pape. Il était accompagné du cardinal en charge des relations avec l’extérieur… Les élus ont ouvert des grands yeux, ils ont été extrêmement curieux, ils ont posé énormément de questions car après chaque intervention, il y avait toujours un échange.

Avec le pape François, ils étaient comme des enfants qui vont rencontrer leur grand-père, le patriarche. Il inspire le respect car il est l’homme de la communion. Il dégage une force d’Amour, une énergie vitale, une tendresse aussi.

Il a salué chacun et chacune des élus de nos communes, de nos circonscription. Ce qui caractérise une rencontre avec le pape François, c’est qu’il se donne tout entier. Même si c’est pour quelques secondes, il porte toute son attention sur la personne, elle devient unique au monde. Je les voyais attendre leur tour comme des petits enfants. Et après avoir salué le pape, je voyais leurs yeux briller, c’était extraordinaire.

Avant de saluer le Pape, ces élus ont entendu un discours du souverain pontife, dans lequel il a appelé à œuvrer au bien commun, à protéger le plus faible. A-t-il été entendu ?

Oui, il a été entendu mais ce n’est pas cela l’essentiel. Il a repris les refrains sur des thèmes qu’il aborde régulièrement. On n’a pas pu avoir un débat avec lui. Les échanges ont plutôt eu lieu avec les cardinaux. Les élus étaient là pour se laisser toucher au cœur par la personne du pape et tout ce qu’il représente.

Faire découvrir l’Église, apprendre à se connaître, c’est bien. Mais un but plus profond a dû motiver ce voyage, lequel ?

Dans le discours du pape, l’essentiel, c’est le dialogue. Ce mot revient très régulièrement, notamment dans Laudato Si. Le dialogue est l’essentiel : le dialogue entre ces élus et les personnes rencontrées à la Curie, les échanges entre eux. Il y a eu énormément de discussions à table, dans les bus. Et du coup, le maitre-mot du pape, le dialogue, a été vécu au cours de ces trois jours.

De mieux connaître l’Église et sa logique, son discours…les politiques vont-ils plus écouter les arguments de l’Église dans les débats de société ?

Ces débats de société ont été abordés. Cependant, comme nous n’étions pas sur un ring mais entre amis, nous pouvions nous écouter les uns les autres, dans notre argumentation et surtout notre questionnement. Nous partagions d’abord les questions qui nous font réfléchir. Ces questions de notre société, c’est ce que nous avons partagé, comme si nous étions en recherche sur ces questions brûlantes qui se posent à notre société.

Grâce à ce dialogue, avez-vous vu les lignes bouger, et sur quels sujets ?

J’ai abordé les questions bioéthiques et d’écologie. Si la ligne a bougé, c’est que la réponse toute faite a été questionnée. Je pense que l’Église peut se laisser questionner.

Ce qui m’a impressionné, c’est que les élus ont conscience qu’il leur faut réfléchir sur ces sujets et que pour l’instant ils n’ont pas beaucoup réfléchi à ces questions. Jusque-là ils ont fait confiance à des spécialistes. Ils ont conscience que lorsqu’ils vont voter sur ces sujets, ils ont une grande responsabilité.

Qu’ont-ils retenu ?

Il faudrait le leur demander. Je pense qu’ils ont retenu l’amitié qui a été vécue au sein du groupe, ils ont apprivoisé notre Église.

Certains ont refusé ce voyage en brandissant l’argument de la laïcité. Fréquenter des responsables religieux, est-ce une entorse à la laïcité ?

On est resté dans le strict domaine de laïcité, on ne les a pas forcés à aller à la messe. Les élus ont rencontré des hommes et des femmes qui ont des responsabilités dans la cité, au service du Bien Commun et c’est à ce titre là que nous avons échangé.