Chère Europe, où vas-tu ?

Mon père m’a avoué un jour que, s’il avait vu passer dans la rue un soldat allemand, il l’aurait tué. Il avait alors 18 ans et vivait dans un déchaînement de violence qui a fait de la Seconde Guerre mondiale la période la plus cruelle de toute l’histoire de l’humanité. Mais des hommes et des femmes de foi se sont levés et ont dit : « Plus jamais cela ! » Nous avons atteint aujourd’hui un nouveau record, celui du temps de paix le plus long des derniers siècles. Il est bon de nous en souvenir en cette période historique d’élections.

Je n’ajouterai pas un commentaire à tous ceux que nous diffusent aujourd’hui les médias. Mais je veux me faire ici l’écho de la parole du pape François dans son discours aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome, le 24 mars dernier.

L’Europe a une âme, et son âme demeure unie parce qu’elle vit selon les mêmes vertus – je préfère ce mot à celui de valeur – chrétiennes et humaines, et qu’elle s’est éloignée des idéologies qui l’ont divisée et ravagée. Je cite : « Dans notre monde multiculturel ces valeurs continueront à trouver plein droit de cité si elles savent maintenir leur lien vital avec la racine qui les a fait naître. Dans la fécondité d’un tel lien se trouve la possibilité de construire des sociétés authentiquement laïques, exemptes d’oppositions idéologiques ».

L’Europe est une vie. Comme toute vie, elle est fragile et peut être tuée. Le risque pour cette vie, c’est l’égoïsme. « Le premier élément de la vitalité européenne est la solidarité ». Que l’Europe se fasse la voix des pauvres, la voix de tous ceux qui souffrent des dérives libérales de la mondialisation. Je cite : « L’Europe n’est pas un ensemble de règles à observer, elle n’est pas un ensemble de protocoles et de procédures à suivre. Elle est une vie, une manière de concevoir l’homme à partir de sa dignité transcendante et inaliénable ».

L’Europe est un chemin d’espérance. Je cite : « L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle ne s’enferme pas dans la peur et dans de fausses sécurités… ; lorsqu’elle investit dans le développement et la paix ; lorsqu’elle investit dans la famille qui est la première et fondamentale cellule de la société ». Le matérialisme « semble lui avoir rogné les ailes… » J’ose dire avec le pape François que « l’Europe a un patrimoine d’idéaux et de spiritualité unique au monde qui mérite d’être proposé à nouveau avec passion…, meilleur antidote contre le vide de valeurs de notre temps ». Ce vide, ajoute-t-il, est « le terrain fertile pour toute forme d’extrémisme ».

J’aime la France. La France dans une Europe des nations. Avec ferveur, je prie pour mon pays. Avec passion, je vous invite à prier pour la France, à l’édifier et à raviver son âme.

 

+ Christophe DUFOUR

Archevêque d’Aix-en-Provence et Arles

 

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