Mgr Dufour : « Le pape François m’a décomplexé »

Interrogé par Vatican News lors de son dernier déplacement à Rome pour le Voyage des Élus (11-14 mars 2018), Monseigneur Dufour, archevêque du diocèse d’Aix et Arles, dresse son bilan de ces cinq premières années de pontificat du Pape François.

 

À lire ici

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

C’est un leitmotiv pour le Pape François, inspiré par sa propre expérience en tant qu’archevêque de Buenos Aires. Il ne cesse d’exhorter prêtres et évêques à sortir, à aller à la rencontre des périphéries existentielles. Les réformes qu’il mène au sein de la Curie romaine sont également là pour guider l’action des conférences épiscopales, elles-aussi invitées à se rénover pour mieux répondre aux exigences de notre temps.

Ces cinq dernières années ont vu le Pape François se prodiguer en conseils, parfois en reproches, pour mieux guider l’ensemble de son troupeau. Comment cette activité et ces initiatives sont perçues sur le terrain par les évêques diocésains ? Nous avons posé la question à Mgr Christophe Dufour, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles, qui est cette semaine en voyage à Rome avec les élus de la province ecclésiastique de Marseille.

C’est un immense merci au pape François pour tout ce qu’il a entrepris depuis 5 ans. L’essentiel pour moi de ce qu’il a apporté, c’est qu’il nous a donné envie, encore davantage, de témoigner du Christ, d’annoncer le nom de Jésus, de le faire aimer autour de nous, vraiment. Il a eu un tel enthousiasme ! Je retiens sa première phrase de l’exhortation apostolique « la Joie de l’Évangile » : « la joie de l’évangile, c’est la joie de ceux dont la vie est remplie de la rencontre avec le Christ ressuscité ». Donc cette passion de faire aimer le nom de Jésus.

Le pape François a lancé un certain nombre de réformes. Vous, sur le terrain, comment vivez-vous ces réformes ?

Je trouve qu’il a beaucoup de courage. Il essaie de vivre ce qu’il annonce. Aujourd’hui le monde a changé, la société a changé, les cœurs ne sont plus les mêmes, et donc nos structures ecclésiales ont besoin d’être profondément renouvelées, y compris l’institution de la curie romaine. Nous sommes en train de faire la réforme de la Conférence des Évêques de France. Nous sommes en train, chacun de nos diocèses, de transformer les services diocésains, de vivre la transformation missionnaire des paroisses. Et lui, il essaie de vivre la transformation missionnaire de cette institution qui s’appelle la Curie romaine et je trouve qu’il a beaucoup de courage, il nous montre l’exemple.

Qu’est-ce que ce pontificat a changé en vous ?

Il m’a décomplexé. Un évêque est un maître, un docteur, il doit enseigner, ses homélies doivent avoir un certain style. Le pape m’a décomplexé. Je crois que je vais désormais beaucoup plus droit au but. Le pape dit qu’il faut que le kérygme soit annoncé, que les gens soient touchés au cœur par le mystère de la personne du Christ. Le pape m’a aidé à simplifier mon enseignement pour qu’il soit vraiment reçu et entendu et que je sente les intelligences et les cœurs accueillir ce mystère du Christ.

Comment le pape François est-il perçu dans votre diocèse, par vos fidèles ou les personnes plus éloignées de l’Église ?

Ceux qui sont plus éloignés de l’Église ont une grande admiration pour le Pape François, notamment ceux qui sont engagés pour transformer la société. Un certain nombre ne comprennent pas l’attitude du pape François vis-à-vis des migrants. C’est notre travail d’évêque que de patiemment faire comprendre sa position. On nous a bien expliqué qu’il y a à la fois cet accueil au nom de la charité, au nom de l’Évangile : le migrant, c’est le visage du Christ, il nous faut l’accueillir. Après cela, il y a une réflexion politique qui doit se vivre au niveau des États, à l’échelle de l’Europe, à l’échelle des continents car c’est un problème très grave qui se pose à notre humanité. Le pape est celui qui nous aiguillonne et nous, évêques, devons faire comprendre que c’est un problème majeur pour lequel il faut que tout le monde cherche à trouver les solutions qui s’imposent.