Saintes Maries de la mer : goûter la présence des messagères

Le 24 et le 25 mai a eu lieu le grand pèlerinage aux saintes-Maries de la mer, en Camargue. Le 25 mai, les provençaux et les Gitans célèbrent les deux maries : Marie-Salomé et Marie-Jacobé. La veille, le 24 mai, les Gitans font honneur à Sara, la servante qui aurait accueilli les saintes Maries lors de leur débarquement en Provence après la Résurrection de Jésus-Christ. Selon la tradition, ces femmes ont amené le Christianisme en Provence. Par conséquence, quelle est la place de ce sanctuaire en Provence ? C’est la question posée cette semaine dans parole d’évêque.

Qui étaient ces deux femmes par rapport à Jésus-Christ ?

Elles ne sont pas très connues mais ont pourtant une place immense dans l’Évangile. D’abord, parce qu’elles sont toutes deux mères d’apôtres : Marie-Jacobée est mère de Jacques le Mineur, Marie Salomé est la maman de Jacques et Jean, qui sont souvent réunis ensemble, et elle est la femme de Zébédée. On dit généralement « Jacques et Jean fils de Zébédée », mais ils sont aussi les fils de Marie Salomé.

Leur place est importante parce qu’elles ont connu Jésus ?

Alors elles ont évidemment connu Jésus mais elles l’ont également suivi, elles ont été ses disciples. L’Évangile ne dit pas à quel moment elles se sont mises en route mais ce qui est absolument sûr c’est qu’elles sont nommées dans l’Évangile, qu’elles sont identifiées au pied de la croix. Ainsi, sur les douze apôtres, l’un a trahi : c’est Judas ; l’autre a renié : c’est Pierre. Le seul qui est nommé au pied de la croix c’est « le disciple que Jésus aimait », que l’on identifie habituellement à l’apôtre Jean. Mais ce qui est certain c’est que Marie-Jacobée et Marie Salomé étaient au pied de la croix. Ce sont elles aussi qui se retrouvent au tombeau le premier jour de la semaine et sont donc les premiers témoins du tombeau vide et à qui Jésus va apparaître, va faire le signe d’une mystérieuse présence, par-delà la mort, lui qui témoigne de sa résurrection.

Jésus a donc annoncé sa résurrection en premier aux femmes ?

Voilà pourquoi ce sanctuaire des Saintes Maries de la mer est extrêmement important, car elles venaient en tout premier lieu témoigner de la mort et de la résurrection du Christ.

La tradition, la légende pourrait-on dire si on ne croit pas, raconte que ces deux maries auraient débarqué aux Saintes Maries de la Mer. Leur barque aurait divagué, dérivé, de Palestine à la Provence. Comment faut-il interpréter cette tradition, cette histoire ?

Vous avez raison de dire que ce récit doit être interprété, c’est une tradition, c’est-à-dire que nous l’avons reçu. Si l’on dit que c’est une légende, ça ne me dérange absolument pas, tout dépend de ce que l’on entend par le mot « légende », c’est un mot latin qui signifie « à lire ». L’important dans une légende, c’est ce qui est à lire. Et ce qui est à lire nous dit la vérité. En l’occurrence, sur le plan de l’histoire, les historiens n’ont, évidemment, aucune pièce à conviction, ni archéologique, ni littéraire, pour dire que ce récit est authentique, mais il y a des vraisemblances. Il y a eu les persécutions qui ont sévi au premier siècle contre les chrétiens et ils ont dû s’enfuir, notamment de Jérusalem. Ils sont partis dans toutes les directions, certains par la terre, d’autres par la mer. Le port de Césarée était un grand port de l’époque, ainsi que Saintes Maries de la Mer (on a retrouvé 30 bateaux coulés au large). Donc, c’était un grand port et, entre Césarée maritime et les Saintes Maries de la mer, il y avait des communications, mais non sans risque. Ce n’étaient pas des bateaux tels que nous les avons aujourd’hui haute sécurité. Il y avait donc beaucoup de risques. Et de dire qu’elles sont venues sur une barque, sans rames ni voile, est-ce que ce n’est pas ça, au fond, l’Église dans sa pauvreté et dans sa misère, capable d’annoncer l’Évangile du Christ ?

Les ossements de ces deux femmes, Marie-Salomé et Marie-Jacobée, sont conservés dans des châsses suspendues dans l’église des Saintes Maries de la Mer. Mais l’église est dédiée à Notre-Dame de la mer, donc la Vierge-Marie, la mère de Jésus-Christ. Qui ou que vient-on prier au sanctuaire des Saintes Maries de la Mer ?

Quand on vient prier dans ce sanctuaire, on vient goûter la présence de messagères qui sont dans le monde de Dieu, ressuscitées dans le Christ vivant par-delà la mort. Elles sont donc bien présentes, bien vivantes. Quelqu’un a dit : « Je ne sais pas si elles sont venues, mais ce qui est sûr, c’est qu’elles y sont. » Elles sont là. Symboliquement, on va descendre la châsse de leurs reliques de la Chapelle Haute à l’intérieur de la grande église de Notre-Dame de la Mer. Et ensuite, on va les remonter. La liturgie nous montre le dialogue entre le ciel et la terre et cette communion des saints entre les vivants de la terre et les vivants du ciel. Ils viennent nous apporter leur proximité avec le Christ.

Dans notre tradition catholique, quand nous prions, nous prions toujours le Seigneur. Nous prions Marie de prier pour nous, et nous prions les saintes Marie-Jacobée et Marie Salomé de prier pour nous, et donc de transmettre notre prière au Seigneur.

La fête des Saintes Maries de la Mer, le 25 mai, est l’occasion d’un folklore. Gardians, Provençaux costumés, Gitans enthousiastes… C’est un beau spectacle, pour le plus grand bonheur des touristes… Mais on peut avoir l’impression que les Chrétiens de votre diocèse manquent à l’appel. Est-ce le cas ?

D’abord, je rappelle que le 24 mai c’est le pèlerinage des gens du voyage et le 25 c’est le pèlerinage des camarguais, des provençaux et même de ceux du Languedoc. C’est évidemment un pèlerinage qui appartient à toute l’Église. Effectivement, les aixois d’Aix en Provence ne vont pas beaucoup aux Saintes Maries de la Mer. Je sens pourtant que, depuis quelques années, s’amorce un petit mouvement, notamment depuis 2013 où nous avons voulu marquer solennellement l’année où Marseille-Provence était capitale européenne de la culture. Étant donné que tous les sujets religieux étaient exclus de ce programme, nous avons fait notre programme à nous. Nous avons, en particulier, mis en valeur le pèlerinage des Saintes Maries de la Mer par une célébration au mois d’octobre (puisqu’il y a aussi le pèlerinage du mois d’octobre, le pèlerinage proprement dit des provençaux et camarguais) et nous avons célébré la messe dans les arènes des Saintes Maries, avec trois évêques.

Ce sanctuaire semble un peu perdu, oublié des chrétiens de votre territoire. Pourquoi ?

Il y a certainement une raison géographique. Les Aixois ne vont pas beaucoup à Arles et les Arlésiens ne vont pas beaucoup à Aix. Les Aixois ont déjà du mal à aller à Marseille, alors les Saintes Maries de la Mer c’est le bout du monde ! Ils sont orientés vers le nord, ils vont vers Paris, la montagne… Quand ils vont au bord de la mer, c’est pour faire du bateau ou bien prendre le bateau pour aller en Corse… Mais je pense vraiment que nous allons, petit à petit, permettre cette prise de conscience que nous avons un magnifique sanctuaire. Nous avons acheté une maison là-bas pour en faire un lieu d’accueil pour les pèlerins de façon que si un pèlerinage d’une paroisse va aux Saintes avec un car de 50 personnes, ils pourront pique-niquer au sec !

Christophe Dufour, vous exhortez sans cesse les catholiques de votre territoire à se convertir tous les jours, à approfondir la foi pour être toujours plus disciples et à devenir missionnaire, c’est-à-dire à témoigner. Ce sanctuaire des Saintes Maries de la mer n’est-il pas l’incarnation de cette démarche disciple missionnaire ?

C’est vraiment la grâce que je demande aux Sainte Marie-Jacobée et Salomé : de donner cette « audace missionnaire » qui fait de nous des disciples de Jésus, des disciples qui reçoivent l’Évangile, qui reçoivent cette bonne nouvelle qu’il est mort pour nous, mort pour nous sauver, pour effacer le péché de la terre, pour arracher le mal du cœur de notre humanité et nous entrainer dans cette vie par-delà la mort, qu’on appelle « résurrection ». Elle est une vie dans l’amour du Père, dans l’amour de Dieu pour l’éternité. Ce message est si beau, ces femmes sont venues le proposer aux provençaux et aux camarguais, à nous maintenant de prendre le relais pour le faire découvrir à nos enfants et petit-enfants.

Avez-vous le désir, la volonté de développer le sanctuaire des Saintes Maries de la Mer Christophe Dufour ?

Le plan d’action pour développer ce sanctuaire est d’abord, un lieu. Ensuite, une communauté responsable du pèlerinage, qui aura à sillonner tout le diocèse pour témoigner du message des Saintes Maries.