Le sport et la foi selon Mgr Dufour, ex-footballeur

Le 14 juin, c’est le lancement de la coupe du monde de football. Elle se déroule cette année en Russie, du 14 juin au 15 juillet. 64 matchs, 32 équipes et un anniversaire : les 20 ans de la victoire française en 1998. Le foot est le sport le plus pratiqué au monde. Il existe même une compétition au sein de l’État du Vatican, entre les équipes des services du Vatican. Quelles sont les valeurs communes au sport et à la foi ? C’est la question posée cette semaine dans parole d’évêque.

Roland-Garros à peine terminé, on peut se coller de nouveau devant les écrans de télévision pour suivre les matches de la coupe du monde. On regardera les aventures des joueurs français, en espérant qu’ils gagnent, 20 ans après la victoire de notre Zizou national, Didier Deschamps et compagnie.

Monseigneur Dufour, avez-vous pratiqué le football ?

Oh ! Que oui ! Passionnément ! Et d’abord dans la cour de récréation du collège Saint-Jude à Armentières, où vraiment j’attendais avec impatience toutes les récréations parce qu’on se déchaînait avec un ballon entre les pieds. Ensuite, évidemment, j’ai fait partie de l’équipe de foot du collège et du lycée où j’étais. En minime, j’étais chez les cadets; aux cadets j’étais chez les juniors. Donc j’étais un peu baraqué, bien que le plus jeune de ma classe. Mais j’étais jugé digne de jouer dan l’équipe des grands.

Ensuite, quand on était au séminaire, 35 séminaristes, nous avions une équipe de foot. À l’époque il y avait encore 5 séminaires dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais et nous faisions donc un tournoi inter-séminaires. Et quand les séminaires ont commencé à se rétrécir, nous nous sommes inscrits aux tournois universitaires. À 35, nous avions une équipe de 11 joueurs et nous avons gagné tous les matchs de la première année, sans exception. Nous avons terminé les premiers et sommes passés en Excellence. Là, ça a été un peu plus difficile, mais nous avions tout de même une très, très bonne équipe.

Par ailleurs, mon père était président du club de foot de ma ville, alors j’allais aux matchs de foot avec mon papa, et ça laisse aussi des souvenirs.

Suivrez-vous les matches de la coupe du monde de football ?

Là, je fais un peu la grève… Je viens de voir encore qu’ils ont négocié âprement les droits de télévision et que celui qui a remporté la bataille c’est une télévision espagnole pour un milliard et demi [d’euros, NDLR], pour une année. Alors, à chaque fois, j’ai l’impression de donner des sous dans un monde où il y en a vraiment beaucoup. Quand je pense que l’entraîneur de l’équipe de Marseille, reçoit un salaire mensuel compté par centaines de millions d’euros. Il y a trop d’argent !
Mais j’avoue que je suivrai des matchs. J’aime bien aussi aller à Aix-en-Provence le soir : dans les bistrots, les gens regardent les matchs. De temps en temps, quand même, je l’avoue, je vais regarder l’écran à la table des bistrots.

Dans les médias, surtout dans le quotidien régional dominant, les journalistes utilisent souvent du vocabulaire religieux pour décrire l’ambiance d’un stade. On parle de ferveur, de communion…  Alors, une messe est-elle comparable à un match de foot dans un stade ?

Non ! Même s’il y a des comportements religieux, que l’on peut apparenter à la religion, mais se sont des religions qui sont sans Dieu. Or, la messe n’est pas d’abord un comportement religieux, mais c’est un acte de foi. Ne confondons pas la foi et la religion, la foi chrétienne, avec une pratique religieuse.

Quels sont les points communs entre sport et religion ?

Il y a la règle.

Ensuite, l’équipe. Mgr Mouisse avait été capitaine d’une équipe de rugby et entraîneur, et il disait : « Le rugby c’est comme l’Évangile : ce que l’on reçoit, on doit le donner tout de suite ». Cela signifie que lorsque l’on reçoit le ballon, ce n’est pas pour soi, c’est dans un jeu d’une équipe. Donc, il faut trouver où donner le ballon, où ce sera le mieux.

Enfin, un certain désir de performance, ou de perfection, ou de progression. Le sport est une école. Malheureusement, j’entendais un curé qui disait : « Au catéchisme, ceux qui sont dans un club de foot, on les reconnaît ; ils sont plus violents et ‘perso’ ». Je me demande si aujourd’hui, les entraîneurs sont encore des éducateurs. En revanche, je connaissais un club de basket où tous les enfants et les jeunes devaient, à chaque match, être à un moment arbitre.

Quelles valeurs inhérentes au sport peut-on utiliser dans la pratique de la foi ?

On n’arrête pas de progresser dans la foi, parce que Dieu nous fait progresser. C’est un chemin de perfection. C’est exactement le titre du livre de sainte Thérèse d’Avilla : « Un chemin de perfection », un chemin qui nous conduit pour être meilleur. C’est aussi la devise de Saint Ignace : « Magis » : « Mieux » !

Eh bien ! On peut toujours progresser dans le sport.

Est-ce qu’une personne qui pratique le sport, qui a cette volonté de progresser, il l’aura également dans sa pratique de la foi ?

Là, je ne peux pas juger… Pour moi, c’est vrai que j’ai toujours le souci de progresser. C’est vrai, il y a aussi dans la foi une grande gratuité. C’est-à-dire que ce qui nous fait progresser, nous le recevons. Je pense que dans le sport d’équipe, c’est ça qui est extraordinaire, on a besoin des autres pour progresser, parce qu’on progresse ensemble. Le souci de la progression dans la religion, ce n’est pas une progression personnelle pour être plus près de Dieu, pour avoir mon Dieu, mais c’est parce que nous voulons faire progresser l’humanité. Nous avons la prétention, avec la grâce de Dieu, avec les dons de Dieu, de pouvoir faire progresser l’ensemble de l’humanité.

Les Chrétiens croient que Dieu s’est fait homme : c’est Jésus-Christ, qui est vrai homme et vrai Dieu. Pratiquer un sport permet-il de prendre conscience de cette incarnation de Jésus-Christ ?

Prendre conscience que nous avons un corps et le respecter c’est vraiment très important. Je dis souvent à ceux qui ont des bobos, qui vieillissent ou à des femmes qui disent : « Il n’y en a que pour les hommes ! », je leur dis : « Au fond, nous pouvons offrir au Christ l’humanité qu’il n’a pas eu ». Il est mort à 33 ans, donc il n’a jamais été vieux. Il était un homme, pas une femme. Donc une femme peut offrir l’humanité féminine à Jésus. C’est-à-dire, l’incarnation continue à travers nous. Pour moi c’est quelque chose de très important dans ma foi chrétienne, de savoir que le Christ continue son incarnation à travers nous.

Dans le sport, on rencontre des adversaires. On les respecte, on analyse leur tactique, on les combat… est-ce pareil pour la foi ?

Nous recommandons le pardon, et je pense qu’un chrétien sur un terrain de foot, lorsqu’on lui fait un croche-pied, ou un sale coup-bas, il doit aussi être invité à pardonner, à ne pas être rancunier en cherchant à se venger.

Quand on pratique un sport, surtout les sports collectifs, on affronte généralement des adversaires, qui ne sont pas forcément chrétiens. La pratique sportive est-elle un terrain d’évangélisation ?

Actuellement, dans le diocèse, il y a le Challenge des Cathédrales, du rugby. Il y a aussi les Catholympiques au lycée Saint-Louis et Sainte-Marie à Gignac. Certainement, il y a des enfants, des jeunes, qui ne sont pas des chrétiens et qui vont être dans un état d’esprit qui pourra aussi élever leur âme, et pas seulement leur corps.

Autrefois, des patronages existaient : les prêtres organisaient des activités sportives pour les jeunes, avec une formation spirituelle aussi. Cela revient en force. Le sport est-il utilisé comme appât pour attirer le jeune ?

Puisque Dieu est le meilleur, nous avons le devoir de le faire goûter. Et l’appât par excellence, c’est Dieu lui-même, puisqu’il se donne à goûter. Eh bien ! Je pense que tous les moyens sont bons pour faire goûter l’amour du Seigneur.

Les sports individuels donnent-ils les mêmes valeurs, les mêmes forces, que l’on peut trouver la foi ?

Les mêmes et d’autres ! C’est-à-dire qu’il y a d’abord les règles. C’est très important l’apprentissage des règles.

Ensuite, certainement, la volonté personnelle est plus développée, comme la concentration personnelle. Des qualités différentes sont donc développées, mais pas l’esprit d’équipe.

Moi-même, je pratique le vélo, j’ai pratiqué le tennis, le squash, j’ai fais du hockey sur gazon dans une vie antérieure. À présent, je me contente du vélo et de la randonnée.