Le pape François en Provence

Pascale Cougard, membre de C. Cinéma à Aix-en-Provence, nous livre sa vision du film Le pape François – Un homme de parole qui vient de sortir en salles. Dans notre département, ce documentaire est pour le moment proposé à Aix, Arles et Marseille : voir les séances.

 

Nouvel exercice d’admiration, le documentaire du réalisateur allemand de Les Ailes du désir met en scène un véritable dialogue entre le pape François et le monde, afin de  filmer ses convictions et toucher directement un large public.

Le ciel nuageux sur lequel s’ouvre le film renvoie au visage concentré et soucieux du pape François de l’affiche, tandis que la voix off de Wim Wenders évoque les catastrophes naturelles et humaines qui inquiètent notre temps : «  Comment vivre en paix avec notre planète ? ». Une trouée laisse voir le beau paysage d’Ombrie où apparut au XIIIe siècle un homme radical et révolutionnaire, Saint François d’Assise, dont le cardinal de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio a choisi le nom en devenant pape, afin de le prendre en exemple dans son choix de la pauvreté et d’une nouvelle fraternité avec les hommes et la « mère Terre ». Dans ce «  vent franciscain » nous sommes invités à  voir et à écouter.

Catholique de naissance qui se définit comme «  chrétien œcuménique » non pratiquant, Wim Wenders partage l’engagement écologique du pape dont il admire le courage : ayant réduit à 55 les centaines de questions recueillies un peu partout, il articule son film autour de problématiques universelles – l’écologie, la justice sociale, l’inégalité des revenus, le rôle de la famille, la mort, les religions, l’immigration. Le film, dense et vivant, entrelace trois approches des idées du pape, chacune en résonance avec les autres, dans son tempo particulier : l’évocation fictionnelle de la vie de François d’Assise par des images en noir et blanc (qui font regretter toutefois celles du superbe film Les Onze Fioretti de F. d’Assise de Rossellini ), des images d’archives du Vatican sur les déplacements et les discours du pape à travers le monde, ainsi que les interview du réalisateur, où le pape semble parler au spectateur dans un face à face intime, grâce à une technique faisant appel à un jeu de miroirs, « l’interrotron ».

Ainsi voit-on, sous de multiples facettes, un homme toujours en chemin, à l’image de St François, présent aux quatre coins de la « maison commune » , à tous les endroits en crise – aux Philippines après le cyclone Haiyan, à Lampedusa -, interpellant, expliquant, se recueillant, exhortant sans cesse – parce que «  le monde est sourd » – au changement, à la lutte contre les dérives de notre temps, au refus d’une économie d’exclusion,  d’une «  culture du déchet », que ce soit chez les pauvres des favelas à Rio de Janeiro, des quartiers déshérités de Naples, ou auprès de l’ONU, du Congrès américain, ou encore à Yad Vashem le Mémorial de l’Holocauste à Jérusalem, lors d’une rencontre avec les chefs Palestiniens,  à Ground Zero à New-York avec des musulmans et des juifs. Il parle la langue de chacun, l’italien en Italie, l’anglais aux Etats-Unis et l’espagnol sa langue maternelle avec nous en direct. Sa parole est simple, populaire, utilisant des  expressions connues, ou mnémotechniques comme les trois T de « Travail, Terre, Toit », ou pleines d’un humour dont il fait, avec « le  frais sourire », les éléments indispensables d’une relation vraie.

Le réalisateur revendique n’avoir pris aucune distance critique avec son sujet. Dans la lignée de précédents documentaires racontant son amour de la musique (Buena Vista Social club), de la photographie (Le Sel de la terre, sur Sebastiao  Salgado), de la danse (sur Pina Bausch dans Pina), il a voulu accomplir un « voyage initiatique dans l’univers du pape François », partager son admiration pour cette grande figure atypique et faire mémoire de cinq ans de pontificat dont le message central, l’espoir – l’espérance disent les chrétiens – est universel.

Il serait bon, alors que le pape François traverse une tourmente inédite, d’écouter jusqu’au bout la parole urgente qu’il a voulu nous adresser par la médiation du cinéma.

Le pape François – Un homme de parole
de Wim Wenders, 1h 36
Distribution Universal Pictures International
Sélection officielle, hors compétition, au Festival de Cannes 2018