PMA pour toutes : Mgr Dufour regarde l’avenir et dit NON !

Lundi 8 octobre, 340 médecins ont publié dans le journal Le Figaro une tribune : ils se désolidarisent de l’avis favorable émis par l’ordre des médecins sur la PMA. Ces 340 médecins s’opposent donc à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Leurs arguments semblent abonder ceux étayés par l’Église catholique dans un document publié fin septembre. Pourquoi l’Église catholique est-elle opposée à la PMA en général ? Réponse avec Mgr Christophe Dufour dans La Voix des églises sur RCF.

La PMA, c’est l’acronyme de Procréation Médicalement Assistée, que l’on appelle également Assistance médicale à la procréation. Pour l’instant la PMA est réservée aux couples hétérosexuels en âge de procréer mais ayant des difficultés, du type infertilité, stérilité ou maladie grave. Plusieurs techniques permettent de contourner ces difficultés : l’insémination artificielle, la fécondation in vitro ou encore l’accueil d’un embryon issu de donneurs. La révision de loi de bioéthique pose la question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Selon un sondage IFOP pour Cnews fin septembre, 63% des français interrogés sont favorables à l’ouverture de la PMA aux femmes, seules ou en couple homosexuel. En janvier 2018, un sondage IFOP pour La Croix indiquait que 35% des catholiques pratiquants sont favorables à l’ouverture de la PMA aux femmes. L’Église catholique a-t-elle du mal à faire entendre ses arguments, même auprès de ses ouailles ?

Vous résumez l’avis des évêques par « NON à la PMA », c’est une façon de voir, on peut le résumer ainsi : grand OUI à ce que chaque enfant puisse avoir un père et une mère. L’Église exerce sa vigilance. Vous parlez des sondages, on occulte tout à fait le sondage qui ne regarde pas les femmes mais qui regarde les enfants. Et là, « accepteriez-vous la PMA qui prive un enfant de père ? » Si on pose la question de cette façon, alors 80% des personnes s’opposent à la PMA qui priverait un enfant de père et qui serait inscrit dans le droit français.

Pourquoi la question de la filiation, de la référence au père est-elle tellement importante ?

Elle est importante pour une question de droit. Un enfant a droit d’avoir un père et une mère. On peut se situer pas simplement sur le plan éthique, ou sur le plan des valeurs, pas simplement il faut/ il ne faut pas ; mais il faut se situer sur la question du droit de l’enfant, qui est inscrit dans le droit international : un enfant a droit de connaitre ses parents et d’être élevé par eux. C’est un droit reconnu. Tous les enfants n’ont pas de père, certains sont orphelins de père, il y a des accouchements sous X, tous ne sont pas élevés par leurs parents biologiques. L’adoption pallie une situation déjà douloureuse. Dans le cas des adoptions plénières, ls enfants n’ont pas de parents ou qui sont privés de leurs parents. Donc l’adoption répare quelque chose qui a été cassé, ce n’est pas inscrire un droit nouveau qui prive un enfant dès le début de sa présence de son père.

Ce que vous voulez dire, c’est que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, cela organiserait l’abandon de l’enfant par son père biologique ?

Il ne connaitrait même jamais son père car il s’agira d’un don anonyme de gamètes. Et cela posera de grandes questions quand l’enfant sera en âge d’avoir un recours. Avec les nouvelles techniques, c’est interdit en France mais cela se fait notamment aux États-Unis, on peut rechercher le donneur de gamètes. Il y a des jeunes qui aujourd’hui, après 20 ans, recherchent leur père biologique.

Un argument avancé par l’Église catholique, c’est le risque de déshumanisation. La PMA recourt à des techniques, parfois la fécondation a lieu en laboratoire, in vitro. Pourquoi l’Église est-elle tellement attachée au lien entre sexualité et fécondation ?

C’est justement pour éviter les dérives possibles. L’Église catholique distingue clairement la PMA pour des raisons thérapeutiques, c’est-à-dire c’est une question de médecine, des autres types de PMA. Si des femmes veulent bénéficier de la PMA alors qu’elles ne sont pas stériles, la médecine outrepasserait son rôle. On demanderait à la médecine ce pour quoi elle n’est pas faite. Il nous faut réfléchir à la question « quel monde voulons-nous pour demain ? », la question par le CCNE. Si nous faisons cette émission, c’est parce qu’il a donné son avis. Cette question sera encore d’actualité quand un projet de loi sera déposé au parlement. Regardons où nous mènera tout cela ? Quelles sont les conséquences des décisions que nous prenons aujourd’hui, qui en entraineront d’autres ? Par exemple, le don gratuit de gamètes sera insuffisant. En Belgique, 90% des gamètes sont achetées à l’étranger : il y a donc un marché de gamètes qui va s’installer. Ensuite on pourra sélectionner les embryons : danger d’eugénisme, danger d’un hypermarché mondial du bébé. Voyez où la PMA nous mènerait. « Est-ce cela que nous voulons ? » dit l’Église. L’Église écoute toutes les situations de souffrance liée à l’infertilité, et donc là nous sommes très attentifs. Et ensuite, questionnons les décisions sur ce qu’elles entrainent pour l’avenir.

Vous dites que l’Église catholique écoute la souffrance. Mais un des arguments des personnes qui veulent la PMA pour les femmes seules ou en couple de femmes, c’est justement répondre à la souffrance des femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Votre argument ne tient pas…

Non, de leur côté, c’est plutôt une revendication individuelle. C’est vrai qu’il y a une souffrance, mais on ne peut pas bâtir un droit sur une souffrance. Le droit, c’est le socle commun qui permet à une société de tenir debout et de permettre la vie ensemble. Si on inscrit des droits individuels, il n’y a plus de possibilité de vivre ensemble.

On a souvent l’image de l’Église qui s’oppose, qui semble regarder en arrière, on dit souvent qu’elle est en retard, qu’elle s’oppose au progrès ». Depuis le début de cette émission, vous regardez l’avenir : »quel monde voulons-nous pour demain ? » Est-ce un changement de paradigme ?

Quelle humanité voulons-nous ? Regardons la conséquence du droit que nous allons inscrire dans notre pays.

L’Église dénonce la déshumanisation, la marchandisation, l’eugénisme possible… des maux graves. Pensez-vous que de l’autre côté, des personnes aient volontairement, consciemment, ce projet ?

Je n’ai pas lu en entier le texte du CCNE mais voici ce qu’il en ressort : le débat en présent. Tous les arguments contre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules sont présents. Mais le CCNE fait un choix : celui de répondre aux demandes individuelles.

Et ça, c’est grave ?

Je ne porte pas de jugement, je regarde ce vers quoi cela va nous mener dans l’avenir. Les juristes disent que ce sont des bombes juridiques à retardement car on aura surement des recours, des procès de jeunes qui rechercheront leur père biologique.