Les obsèques sont une Pâque

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18 300 personnes sont décédées dans les Bouches-du-Rhône en 2017. L’Église catholique dans les diocèses d’Aix et Arles et de Marseille a célébré près de 9000 obsèques, soit une personne sur deux. L’Église catholique est encore très sollicitée lors des décès, mais sait-elle encore répondre aux attentes ? Mgr Dufour y répond dans l’émission La voix des Églises.

Avec de telles statistiques, on comprend que la vie des paroisses est aussi marquée par les enterrements. Mais il y a moins de prêtres, il y a moins de laïcs engagés pour les assurer. L’Église catholique a-t-elle encore les moyens humains d’assurer un accompagnement spirituel des familles endeuillées ?

Assurer l’accompagnement spi, c’est peut-être beaucoup, même si c’est notre souhait. Je suis témoin que dans toutes les paroisses, il y a une équipe, autour des prêtres, qui accompagnent les familles en deuil dans le temps qui précède la célébration, et parfois jusqu’au cimetière. C’est bien de pouvoir continuer l’accompagnement pour que les familles soient bénéficiaires de la compassion, de la tendresse, la miséricorde du Seigneur.

Que font exactement ces équipes paroissiales du deuil pour accompagner les familles endeuillées ?

La première chose, elles accueillent la demande qui vient des pompes funèbres, ensuite elles accueillent les familles, les visitent. Elles les aident à préparer la célébration en écoutant les familles parler du défunt. Ensuite elles accompagnent la préparation de la célébration, par les textes, les chants. Elles vont proposer une prière, un témoignage. Les équipes ne comptent pas leur temps. Et évidemment, elles sont présentes à la célébration.

Pouvez-vous vous appuyer sur les entreprises de pompes funèbres pour accompagner les familles dans le deuil ?

Il est vrai que l’on voit une évolution du métier. Avant, il y avait des entreprises familiales, très proches des paroisses. Elles tendent à se raréfier face aux entreprises nationales. Une autre évolution constatée : certaines entreprises de pompes funèbres emploient des jeunes diplômés d’école de commerce, des Bac +5, pour qui démarchent les personnes âgées dans les maisons de retraite ou ailleurs pour signer des contrats obsèques. Se développe parfois une dimension marketing.

Il y a aussi la fragmentation des tâches. Avant, une entreprise familiale faisait tout, elle accompagnait les familles endeuillées du début à la fin. Désormais ce sont plusieurs métiers.

Depuis le début du mois d’octobre, le Service catholique des funérailles s’est implanté sur le territoire diocésain d’Aix et Arles à votre demande. Le SCF se caractérise par la simplicité de l’offre commerciale. Est-ce cela qui vous a attiré ?

Pas seulement. Aujourd’hui, les jeunes qui travaillent dans les pompes funèbres ne sont plus forcément familiers de nos églises et de nos rites. Il y a des familles qui souhaitent que le service catholique soit bien assuré. Le SCF est un service diocésain, mais c’est surtout un service de pompes funèbres. Dès l’accueil, il y a un petit oratoire, on peut aller prier avec la famille. Dès l’accueil, la dimension religieuse peut-être vécue.

C’est donc le côté « catholique affirmé » qui vous a attiré ?

C’est la dimension religieuse, du début à la fin, de l’accueil au cimetière ou au crématorium, en passant par l’adieu au visage. Bien évidemment, la célébration est préparée par la paroisse. Si l’équipe paroissiale du deuil ne va pas au cimetière, le SCF assurera le dernier rite.

Le SCF va-t-il remplacer les équipes paroissiales du deuil ou même les prêtres ?

Non justement. Si le prêtre, le diacre ou l’équipe paroissiale de deuil est présent à l’adieu au visage, alors le SCF les laisse diriger le rituel. À toutes les étapes où le prêtre, le diacre ou le bénévole de l’équipe paroissiale du deuil n’est pas présent, alors c’est le SCF qui les assure.

9000 funérailles célébrées dans les deux diocèses de Marseille et Aix-Arles en  2017, soit la moitié des personnes décédées. Ce fort taux s’explique-t-il par la tradition ou bien traduit-il une vraie attente de la part des Bucco-rhodaniens ?

Ce chiffre est très éloquent, les funérailles représentent en effet une grosse activité des paroisses. Il faut des rites, surtout à ce moment-là ! Ils se tournent vers l’Église pour avoir un rite. La question se pose pour le crématorium, pour les personnes qui ne passent pas par l’Église. Même ces familles-là ont besoin d’un rite et elles sont 400-500 à le demander chaque année à l’Église.

La pastorale du deuil ne semble pas toujours constituer une priorité dans les paroisses. L’Église a-t-elle peur de profiter de la fragilité émotionnelle des familles endeuillées ? A-t-elle peur d’affirmer la résurrection ?

Je pense que c’est une priorité dans le sens où elles assurent magnifiquement ce service. Une chose que l’on peut regretter par ailleurs, c’est l’absence de paroissiens. On peut regretter qu’ils ne soient pas plus présents aux célébrations, ou simplement par la prière. Le 2 novembre, certaines paroisses rassembleront les familles en deuil.

Quel message devrait-être transmis à chaque célébration de funérailles ?

« Nous sommes nés à la vie humaine, mais cette vie humaine va se heurter à la mort. Et nous croyons en un Dieu qui ne veut pas la mort, mais qui veut nous voir vivre par-delà la mort, de la vie éternelle. Et cette vie éternelle se prépare au cours des quelques dizaines d’années passées sur la terre, comme une petite graine plantée dans la terre et qui va donner un grand arbre, par-delà la mort. Mais c’est la volonté de Dieu, il faut aussi la foi, c’est-à-dire le désir de cette vie éternelle. »

Ce message, est-ce celui que vous avez confié au SCF pour qu’il le transmette aux familles endeuillées qu’il accompagne ?

Il est chargé de mettre en œuvre la vision que l’Église a de sa mission auprès des familles en deuil : permettre à ces familles d’être accompagnées dans l’amour, dans la compassion ; de porter cette souffrance des familles ; d’annoncer que la mort n’est pas le dernier pour un chrétien.

Un enterrement, c’est souvent triste. Essayez-vous d’être joyeux quand vous célébrez des obsèques ?

J’aime dire au début d’une célébration d’obsèques que c’est Pâques. Il faut les rites qui accompagnent le deuil. Les larmes font aussi partie du rite du deuil. Mais c’est une célébration de Pâque, nous accompagnons le défunt dans sa dernière Pâque, son ultime pas vers le ciel. Et nous le remettons à Dieu parce que nous ne pouvons plus rien au moment de la mort.