Centenaire de l’Armistice 1918 : Jésus est notre paix

Lors de la messe pour les étudiants et professeurs morts pour la France le jour du Centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918, Mgr Dufour, archevêque d’Aix et Arles est revenu dans son homélie sur le sens du don total, dans la mort des soldats.

« Elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre ». Elle a tout donné… En ce jour où nous commémorons le centenaire de l’armistice de la guerre de 1914-1918, l’Eglise nous invite à contempler deux femmes, toutes deux veuves. La première habitait Sarepta ; c’était au 9ème siècle avant JC, dans un temps de guerre qui affamait le peuple ; une pauvre veuve n’avait qu’un peu de farine et un peu d’huile, juste de quoi survivre avec son fils unique, en attendant la mort ; mettant sa confiance dans la parole du prophète Elie, elle a tout donné. L’autre veuve vivait à Jérusalem, au premier siècle ; Jésus la regardait mettre sa modeste obole dans le tronc des offrandes à l’entrée du temple ; son offrande était toute petite, beaucoup plus petite que les offrandes que les riches déposaient ostensiblement ; elle, cette humble veuve, a mis dans le tronc tout ce qu’elle possédait, elle a tout donné.

Entre 1914 et 1918, des millions d’hommes ont eux aussi tout donné ; ils ont donné leur vie pour notre pays. Si je devais les citer tous, citer aussi chacune des veuves qui ont donné leur mari bien-aimé pour la défense de notre pays, j’en aurais pour des années ! C’était une sale guerre, la première que l’on peut appeler mondiale.

Citons quand même…

Les indiens : 1,3 millions d’hommes ont été recrutés en août 1914, mobilisés  pour défendre notre patrie et travailler dans nos usines et dans nos fermes. La plupart en Angleterre. Mais 138 000 ont débarqué à Marseille en septembre 1914 ; ils ont été envoyés dans les tranchées en France et en Belgique. Combien sont morts ? 74 000, totalement oubliés ; il a fallu attendre ce 10 novembre 2018 pour qu’un cimetière soit inauguré à leur mémoire à Villers-Guislain dans le Nord.

Citons aussi les chinois : 40 000 ont été recrutés en 1916 ; ils avaient entre 20 et 35 ans ; ils étaient pour la plupart des paysans sans terre, pauvres, d’une région au nord de Shanghaï. Seize cimetières gardent en France la mémoire des milliers d’entre eux qui sont morts pour notre patrie.

Citons les canadiens : 600 000 hommes (sur 8 millions d’habitants en 1914) ; ils ont remporté la bataille de Vimy. A quel prix ? 66 000 morts.

Citons enfin les australiens : 420 000 hommes (sur 5 millions d’habitants en 1914). 62 000 morts, 156 000 blessés ou prisonniers.

L’horreur ! Comment l’humanité a-t-elle pu en arriver là ? Les historiens en ont scruté les causes, analysé les processus. L’orgueil, la cupidité, les rivalités de pouvoir, la volonté de domination, les idéologies, les totalitarismes… Possédé par le mal originel, l’homme est destructeur ; il détruit l’œuvre de Dieu, la merveilleuse œuvre d’amour du Créateur.

Devant ce désastre, nos morts brillent comme une lumière, la lumière du don de leur vie pour un amour, l’amour de leur patrie. Ce don a-t-il un sens ? A vue humaine, j’ose le dire, il n’a pas de sens. Il n’a même pas servi de leçon puisque 20 ans après, la guerre reprenait, mondiale elle aussi, cruelle et mortifère, stupide et inutile. Le don de nos morts a-t-il un sens ? Pour nous chrétiens, le don de ces vies prend sens dans la mémoire d’un homme parmi les hommes, un homme dont nous croyons qu’il est le Fils de Dieu, né de Dieu, et qu’il a donné sa vie pour nous par amour. Par nos méchancetés et nos jalousies, par nos médisances et nos calomnies, par nos querelles de pouvoir, nos conflits et nos guerres, nous l’avons crucifié et nous pleurons. Nous avons honte et nous demandons pardon. Dans le don de sa vie sur la croix, le Fils de Dieu a tout donné. Il a donné l’amour sans limite, éternel, infini, sans commencement ni fin. Il a donné le don qui est au-dessus de tout don, le pardon. En lui, dit l’apôtre Paul, Dieu a réconcilié le monde, il a détruit le péché de la multitude. Avec l’apôtre Paul, nous professons notre foi : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix » (Ephésiens 2,14).

En ce centenaire de l’armistice de 1918, les commémorations civiles auront, nous l’espérons, éveillé les consciences, et fait prendre conscience des dangers de notre monde aujourd’hui ; elles auront ravivé le désir de la paix. En cette célébration chrétienne que nous vivons ce soir, nous offrons dans les larmes et la honte le sacrifice des millions de morts de la guerre, et nous prions pour la paix. La paix n’est pas un mot. La paix est un acte, elle est un engagement. La paix n’est pas celle de ceux qui disent « Fichez-moi la paix » et tournent le dos à leurs frères, dans l’indifférence. La paix est l’œuvre des artisans de paix. Elle est une force qui agit dans les cœurs. La paix est un travail.

Chrétiens, nous croyons que la paix est en nous l’œuvre du Saint Esprit de Dieu. Elle est l’œuvre de celui qui a dit en Jésus : « Je vous donne ma paix ». L’œuvre de celui qui a pris sur lui le péché des humains et a brisé le mur de la haine. Prier pour la paix, c’est demander à Dieu que le don de la paix travaille en nous et fasse son œuvre dans les cœurs. La paix est un engagement de tous les jours. Un engagement aux petits pas qui font la paix. Les petits pardons. Les petits pas de la réconciliation. Les petits pas qui édifient la fraternité au quotidien, les petits pas de la paix qui feront un jour la grande paix pour laquelle Dieu nous a créés.

Pour conclure, je citerai le pape Paul VI – aujourd’hui saint Paul VI – dans son discours à l’ONU en 1965 : « Jamais plus la guerre. C’est la paix qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ». Et il citait John Kennedy : « L’humanité devra mettre fin à la guerre, ou c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité ». Vive la paix ! Plus jamais la guerre ! AMEN.