« Les santons sont des petits saints car ils se laissent transformer par Dieu »

Le temps de l’Avent a commencé le 2 décembre dernier. Les provençaux se préparent à Noël, notamment en installant leur crèche. Cette tradition s’est imposée progressivement à la fin du XVIIIè siècle et au XIXème siècle. Quel est leur message ? Réponse avec le père Michel Desplanches, vicaire général du diocèse d’Aix et Arles et majoral du Félibrige.

Santon vient de provençal « santoun », qui signifie « petit saint ». Jésus, Marie et Joseph sont saints, mais en quoi les autres personnages de la crèche le sont-ils ?

Tous ces petits personnages sont sanctifiés par la venue de Dieu sur terre. La sainteté de Dieu transforme tous ceux qui viennent l’adorer, qui veulent s’en approcher. Dans une crèche, les personnages sont muets. Mais les pastorales, notamment celle de Maurel, les font parler. Et la rencontre de ces personnages avec ce petit Jésus, Dieu fait homme, opère des miracles dans leurs vies. Ils sont transformés par leur rencontre avec Dieu. L’aveugle recouvre la vue, le vieux couple arrête de se disputer… Dieu nous rejoint donc dans notre quotidien. La sainteté ne vient pas de la perfection morale, la saint est celui qui cherche Dieu et se laisse habiter et guérir par lui.

Au départ, les premières crèches représentaient tout simplement la nativité : Jésus, Marie et Joseph. Et puis, des personnages, des archétypes sont arrivés : le ravi, l’aveugle, le vieux couple… Pourquoi avoir intégré une scène biblique dans un décor provençal contemporain, pourquoi cet anachronisme ?

Ce mélange anachronique montre que Dieu n’est pas un concept, une idée. Les chrétiens croient que Dieu s’est fait homme, c’est l’incarnation en Jésus-Christ. Il a connu tout ce qui constitue notre vie, les sentiments, le travail, la joie, les amitiés. Il a tout connu sauf le péché. Par la crèche domestique, intégrée dans les foyers, les croyants provençaux s’approprient la crèche qui n’est plus réservée aux églises. Jésus-Christ pénètre dans l’intimité familiale. Il vient épouser les choses ordinaires de notre vie, et sa présence les transfigure. Dieu habite notre quotidien.

Tous les personnages de la crèche abandonnent leurs activités pour venir rencontrer le petit Jésus. Ils lui offrent des cadeaux. Ces offrandes ont-elles encore du sens ?

En effet, les santons viennent offrir ce qu’ils sont et ce qu’ils ont. Ils lui offrent leur être, le fruit de leur travail, de leur activité. Et Dieu les transforme de l’intérieur ; après leur rencontre avec l’Enfant-Jésus, ils témoignent de sa lumière.

L’offrande des santons a le même sens que la quête et l’offrande de l’offertoire pendant la messe. Les santons redonnent à Dieu ce qui vient de lui. Parce que le Seigneur est miséricorde, parce qu’il a déjà donné tout ce dont on a besoin, on lui rend grâce pour ces présents. Il ne s’agit pas de donner de l’argent pour obtenir quelque chose de Dieu ; mais les offrandes sont une réponse à sa grâce et à sa miséricorde.

La crèche semble se laïciser : la place accordée à la Nativité parait minime par rapport au développement et à l’accroissement du nombre de personnages. La Nativité pourrait-elle un jour disparaitre des crèches ?

Si c’était le cas, alors, le mouvement même des santons n’aurait plus de sens. En effet, ils sortent de chez eux dans la nuit, ils affrontent l’obscurité, son insécurité, pour se rendre à la crèche. Ils sortent de la nuit de la foi, ils sont attirés par la lumière de Jésus-Christ. Tous ces personnages sont unis par la foi. Ils montrent que l’on n’est pas tout seul, que les croyants forment une famille car ils partagent un émerveillement et un mouvement d’offrande. Sans la nativité, la crèche deviendrait un énième élément décoratif.

La première foire aux santons a eu lieu à Marseille en 1803. Plus de deux siècles plus tard, que nous disent encore les santons ?

Les santons nous montrent que Dieu est présent à nos côtés dans le quotidien de nos vies, il opère des petits miracles. Parce qu’ils sont unis par une même foi, ils forment une famille unie. Ils signifient que la vie n’a de sens qu’en Jésus-Christ. Chaque année, les santons nous rassurent en nous prouvant la fidélité de Dieu, qui ne nous abandonne pas, est toujours à nos côtés et partage notre quotidien.

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