« Chacun est l’aveugle-né[…] convertissons-nous »

Dans son homélie du quatrième dimanche de Carême 2020, diffusée sur les réseaux sociaux pour cause de confinement, l’archevêque d’Aix et Arles, Monseigneur Dufour, invite à notre propre conversion.

Nous avons entendu ce beau récit de la guérison de l’aveugle-né. Depuis sa naissance, cet aveugle a toujours vécu dans la nuit. Jésus le voit, et il va le conduire à la vision de la lumière. Tout commence par un geste et une parole. Un geste : Jésus fait de la boue avec sa salive et l’applique sur les yeux de l’aveugle. Geste étonnant qui n’est pas sans rappeler celui de la Création au commencement, quand Dieu créa Adam avec la poussière du sol. Une parole : Jésus lui dit « Va te laver à la piscine de Siloé ». L’aveugle obéit à la parole, il va se laver et, lorsqu’il revint, il voyait. La parole de Jésus n’est pas sans rappeler celle du Créateur : au commencement Dieu dit  « Que la lumière soit » et la lumière fut. Sur la parole du Fils de Dieu, l’aveugle est passé des ténèbres à la lumière.

Chers amis, frères et sœurs, l’aveugle-né, c’est chacun de nous, c’est l’humanité de tous les temps, et c’est nous, frappés aujourd’hui par une pandémie angoissante.

L’aveugle-né, c’est chacun de nous.

Nous sommes nés aveugles, c’est-à-dire incapables de voir Dieu. « Nul n’a jamais vu Dieu » écrit saint Jean au chapitre 1 de son évangile. Dieu est invisible, il reste caché à nos yeux humains. Cet aveuglement est celui de notre condition humaine.

L’aveugle-né, c’est toute l’humanité, qui avance à tâtons vers un destin dont elle ne connaît pas d’autre issue que la mort. Humanité fragile, vulnérable, misérable, aveugle. Et Dieu la voit, comme Jésus voit l’aveugle-né. « J’ai vu la misère de mon peuple » dit Dieu à Moïse. Dieu voit l’humanité aveugle et il envoie son Fils bien-aimé. En Jésus, Dieu aime, il guérit, il sauve. En Jésus, il donne à voir son mystère caché. L’aveugle le voit, mais il ne le reconnaît pas, il ne voit pas encore Jésus avec les yeux de la foi. Il doit encore traverser l’épreuve initiatique d’un procès qui annonce  celui de Jésus dans sa Passion.

L’aveugle-né, c’est aussi nous aujourd’hui, confinés dans nos maisons. Devant le virus inconnu qui nous attaque, nous sommes aveugles, incapables d’en mesurer les conséquences, incapables de savoir ce qui va advenir ces prochains mois. Nous pressentons seulement que, au sortir de l’épreuve, nous regarderons notre vie et notre monde avec une lumière nouvelle. Mais nous ne le voyons pas aujourd’hui.

Qu’est-ce que le Seigneur nous dit dans cette épreuve inédite ?

Je vous partage, frères et sœurs, ce que j’entends aujourd’hui : un appel à la conversion, un appel à la prière, un appel à l’espérance que donne la foi.

Un appel à la conversion. Nous vivons un grand carême, et j’entends que le Seigneur nous appelle à un examen de conscience approfondi de notre âme et de notre mode de vie ; la crise sanitaire que nous vivons est comme un voyant rouge qui dit « Stop ! » ; elle nous invite à nous arrêter et à examiner notre moteur intérieur et notre manière de conduire, de nous conduire. Rappelons-nous ces mots du pape François : « Notre sœur la terre crie » (Laudato Si).

Un appel à la prière. Le combat que nous vivons est le combat même de Dieu contre le mal, un combat spirituel. Le Seigneur nous appelle à une prière plus fervente et plus engagée. Avec les mots de Jésus à son Père : « Père, délivre-nous du mal ». Par la prière du chapelet, confions-nous à la prière de Marie : « Marie, tu es bénie, prie pour nous pauvres pécheurs ». Priez, priez, priez…

Un appel à l’espérance que donne la foi. Revenons à l’aveugle-né de l’Évangile. Jésus l’a guéri, mais il n’est pas devenu croyant, il n’a pas encore été illuminé par la foi. Jésus revient à lui et il se révèle dans son mystère caché : « Tu vois, dit Jésus, tu vois le Fils de l’homme, tu vois le Fils de Dieu, la lumière du monde. Crois-tu ? » Les yeux de l’aveugle s’ouvrent alors au don de la foi : « Je crois, Seigneur ». C’est Pâques, l’aveugle est passé des ténèbres de la nuit à la lumière de la foi en Jésus-Christ Sauveur. Chers amis catéchumènes, relisez ce beau récit de l’aveugle né, c’est votre histoire. Dieu vous arrache aux ténèbres et vous introduit dans la lumière de son éternel amour. Vous serez baptisés dans le temps pascal. Préparez ce jour où vous direz comme l’aveugle, solennellement, « Je crois en toi Seigneur, je crois en ton amour, je crois que tu es la lumière du monde ».

C’est aujourd’hui le dimanche de la joie, Pâques à la mi-carême. L’Église nous invite à fixer les yeux sur le combat victorieux de Dieu en Jésus. Confiance, le Seigneur est avec nous. Il est avec nous dans l’épreuve, nous en sortirons transformés, illuminés par une lumière nouvelle. Nous sommes plus que jamais appelés à témoigner de l’espérance que nous donne la foi en Jésus Sauveur. C’est ma prière aujourd’hui avec vous et pour vous. AMEN.