Jeudi Saint : « N’ayez pas peur d’entrer dans la nuit avec le Christ »

Dans son homélie de la messe de la Cène du Seigneur, Mgr Christophe Dufour, archevêque d’Aix et Arles, invite à entrer dans la nuit de la Passion avec le Christ.

« Pourquoi cette nuit diffère-t-elle des autres ? » demande l’enfant. « Qu’y-a-t-il de spécial ce soir ? » C’est ainsi que commence la liturgie familiale de la Pâque juive, célébrée cette année la même semaine que la Pâque chrétienne.

« Qu’y-a-t-il de spécial ce soir ? » demande  l’enfant. Le plus petit des enfants en âge de poser des questions a un rôle important dans la célébration familiale de la Pâque juive. Sur la table, la mère de famille a déposé des pains sans levain, des herbes amères, un os d’agneau rôti. Auparavant la femme avait nettoyé méticuleusement la maison afin d’enlever les plus petites miettes du vieux pain levé. Le vieux levain symbolise ici tous les mauvais penchants, les mauvais désirs, les mauvaises pensées, les péchés, dirions-nous. Et il est nécessaire de s’en purifier avant la Pâque.

« Qu’y-a-t-il de spécial ce soir ? » demande l’enfant. Et cette question du plus petit va permettre aux grands de se souvenir ; ils vont se mettre à raconter l’histoire merveilleuse d’Israël sauvé par Dieu. Cette nuit-là, ils sont partis en toute hâte, et le pain n’avait pas eu le temps de lever avant d’être cuit. Voilà pourquoi les pains de la Pâque sont des pains sans levain. Cette nuit-là, ils se souviennent des herbes amères, de l’esclavage et des durs labeurs de la vie en Égypte, sous la tyrannie du Pharaon. Cette nuit-là, ils ont été sauvés par le sang de l’agneau, et depuis cette nuit-là chaque famille mange l’agneau grillé et font mémoire de l’agneau immolé au Temple lorsqu’il y avait un Temple à Jérusalem. Le père de famille qui préside la liturgie familiale brise le pain sans levain et le partage en prononçant cette bénédiction : « Ceci est le pain de misère que nos pères ont mangé en Égypte ». Ainsi, c’est au cœur de notre histoire que Dieu nous sauve. Toute la Bible en témoigne.

Nous nous souvenons, en ce jeudi saint, que Jésus, à 33 ans, avait vécu 33 fois cette Pâque de la foi de ses pères, la foi de Joseph et de Marie. Mais ce soir-là, la nuit qu’Il fut livré, Jésus donne une signification nouvelle au geste de la Pâque. En prenant le pain, Il ne dit pas : « Ceci est le pain de misère », Il dit « Ceci est mon corps livré pour vous ». Le corps crucifié et le sang versé sont ceux de l’agneau de Dieu immolé sur la Croix, les herbes amères sont celles de sa mort injuste et crue.

« Qu’y-a-t-il de spécial ce soir ? » Chers amis, parents et grands-parents, avez-vous raconté l’histoire de Pâques à vos enfants et petits-enfants ? Ce soir, les chrétiens se préparent à accompagner Jésus dans sa fin de vie. Ils vivent le dernier repas que Jésus a pris avec ses apôtres. L’heure est grave.  Jésus entre dans la nuit de sa Passion. Et les chrétiens entrent avec lui. Innocent, Il va souffrir de la cruauté des hommes, Il sera condamné à mort et crucifié. Ce sont nos souffrances qu’Il prend sur lui, et c’est pour nous guérir. C’est la méchanceté des hommes qu’Il prend sur lui, et c’est pour nous libérer du mal. C’est l’injustice et l’humiliation que lui, le Fils de Dieu, va subir, et c’est pour nous pardonner et nous sauver.

Frères et sœurs, en ce jeudi saint, nous entrons dans la Pâque de Jésus. Chaque eucharistie nous la fait revivre, nous y fait communier. Ce soir, confinés dans vos maisons vous ne pourrez pas manger le pain eucharistique au milieu de nous. Vivez la communion spirituelle ; dans le cœur-à-cœur avec Jésus, mangez le pain de la Parole. N’ayez pas peur d’entrer dans la nuit avec le Christ. Il vous donne rendez-vous le troisième jour, dans la lumière du matin de Pâques.