La symbolique de la « porte » pour les vocations

Pour le dimanche des vocations et la fête du Bon Pasteur, le responsable de l’année de propédeutique du diocèse d’Aix et Arles, le père Damien Etemad-Zadeh, décline la symbolique de la porte comme un élément, mais surtout un moment charnière au moment de la découverte ou du choix pour une vocation.

J’ai une devinette à vous poser ! Quel rapport entre une porte et une vocation ? La question peut paraître étrange, je vous l’accorde ! Mais j’ai bien l’impression qu’elle s’impose aujourd’hui, puisque la liturgie propose à notre méditation ce magnifique passage de l’Évangile selon St Jean, dans lequel Jésus se définit comme la porte, sachant que ce dimanche est particulier puisqu’il s’agit de la journée mondiale de prière pour les vocations. En toute logique, donc, nous sommes invités à méditer sur un rapport possible entre la porte et la vocation. A priori, on pourrait se dire qu’on va droit dans le mur ! On ne voit pas immédiatement le lien entre ces deux réalités. Pourtant, à y regarder de plus près, il me semble qu’il y a là une très belle opportunité de penser la vocation sous un jour renouvelé, sous un jour original. Et pour essayer d’aller un peu plus loin, je vous propose dans un premier temps de parcourir la symbolique biblique de la porte. Cela nous permettra de mieux saisir le lien possible avec la vocation :

Dans la Bible, quand on évoque la porte, on a quelques références qui nous viennent à l’esprit et qui évoquent un symbole maternel, un symbole protecteur, un symbole de prudence également :

Symbolique de la porte :

  • Tout d’abord, un symbole maternel :

– Job évoque les portes du ventre maternel : c’est-à-dire l’accès à un lieu clos où la vie peut grandir, peut se développer « Car elle n’a pas clos les portes du ventre où j’étais, ce qui eût dérobé la peine à mes yeux”. (Job 3,10)

– Le Cantique des Cantiques, dans le langage un peu osé qu’on peut lui connaître, n’hésite pas à évoquer « les portes de la jeune femme », voire même la « porte bloquée par une planche de cèdre ».

Il y a donc l’idée d’une vie naissante, d’une vie qui grandit en franchissant cette porte. C’est bien ce que l’on désire, ce que l’on espère, en répondant à une vocation. Qu’elle soit le lieu où l’on va pouvoir déployer sa vie, son potentiel le plus profond, le plus authentique.

  • Ensuite, un symbole protecteur :

Très proche de ce premier symbolisme, on trouve aussi la porte comme symbole protecteur :

– D’abord dans la Genèse, avec l’histoire de Noé : Les portes de l’Arche de Noé sont fermées pour éviter que l’eau n’entre et ne détruise la vie sauvegardée dans l’Arche.

– Exode : Dieu passe devant les portes marquées du sang de l’agneau, et ne lasse pas la destruction entrer dans ces maisons.

Une vocation, dans le même sens, cela se protège, il faut en prendre soin, il y a de la prudence à avoir, pour ne pas perdre de vue qui nous sommes et ce que nous portons en nous.

  • Symbole de prudence :

C’est aussi le sens de la porte comme symbole de prudence, que l’on trouve surtout dans les psaumes ou les écrits de sagesse :

– Ps 141,3 : Rappelons-nous le psalmiste qui écrivait ceci : « Veille sur la porte de mes lèvres ».

– Si 28,25 : Et le Siracide : « Mets sur ta bouche une porte et un verrou ».

Ce qui m’intéresse plus particulièrement, dans la symbolique de la porte, c’est le fait qu’elle soit un « lieu de transition ». Là, me semble-t-il, cela devient encore plus intéressant !

  • Lieu de transition :

– Lieu de transition entre un espace ouvert sur l’infini et un espace fermé :

Quand je passe la porte pour entrer chez quelqu’un, je passe d’un lieu ouvert à l’infini à un lieu clairement délimité, un lieu clos. Et en même temps, ce lieu fermé est, normalement, un lieu chaleureux, un lieu hospitalier, où l’on a de la joie à retrouver ses amis, sa famille.

Quel rapport possible avec une vocation ? Une vocation, en nous ouvrant à un nouvel univers, ferme tous les autres. Choisir, c’est fermer. S’avancer vers une vocation, c’est restreindre drastiquement les possibilités pour se consacrer à une seule réalité. Se marier, c’est refuser de changer de partenaire. Devenir prêtre, c’est s’engager pour la vie. C’est ouvrir une liberté en fermant les autres. Et c’est seulement ainsi que l’on devient pleinement libre.

– Lieu de transition entre un espace profane et un espace sacré :

Gn 28,17 : « Que ce lieu est redoutable ! Une maison de Dieu, et une porte des cieux ». La porte dont il est question est celle qui permet d’entrer dans le Ciel, près de Dieu, d’entrer donc dans l’espace le plus sacré qui soit. Derrière la porte, ce que l’on découvre, c’est Dieu lui-même, ou encore le lieu où Dieu « demeure », si je puis dire.

Dans le même ordre d’idée, les portes du Temple de Jérusalem, par exemple, ouvrent au monde de Dieu, à l’au-delà : On peut se rappeler de ce psaume magnifique qui dit ceci : « Portes, levez vos frontons, levez-vous, portes éternelles, qu’il entre le Roi de Gloire » ! Ces portes éternelles, elles évoquent en fait plus que les portes du Temple de Jérusalem, elles évoquent là encore l’accès au monde du divin. Elles sont ce lieu de transition vers l’éternité.

Enfin, on peut aussi se rappeler des portes de la Jérusalem céleste, dans l’Apocalypse : Elles sont debout, dressées aux quatre points cardinaux, et elles sont toujours ouvertes ! Magnifique manière de dire que l’accès à Dieu est désormais ouvert à tous. Les portes du ciel resteront ouvertes pour accueillir, de façon inconditionnelle.

Quel rapport possible avec la vocation ? En franchissant cette porte de notre vocation, nous entrons nous-mêmes dans cet espace sacré par excellence, celui qui, en nous permettant de nous trouver nous-mêmes, nous fait rencontrer Dieu. Franchir cette porte, c’est accéder à cet espace sacré que nous portons en nous-mêmes, ce lieu intime de la présence de Dieu en nous, ce lieu intime où nous découvrons ce qu’il y a de plus sacré en nous, ce pour quoi nous sommes faits, le lieu de l’enthousiasme (Dieu en nous).

– La porte est encore ce lieu de transition entre deux états :

Passer une porte, cela peut en effet entraîner bien des effets. Imaginons que je frappe à la porte d’un inconnu, parce que je suis en danger, ou dans la misère. Imaginons encore que je sois bien accueilli : que cet étranger ouvre sa porte, m’accueille, m’offre un bon chocolat chaud ou une délicieuse tourte au canard ! Passer la porte signifiera alors passer de la peine à la joie, d’un sentiment d’abandon à cette manifestation de compassion qui change et apaise le coeur. En passant la porte, je serai vraiment passé d’un état à un autre.

Quel lien avec la vocation ? Là encore, il s’impose : Accueillir une vocation, quelle qu’elle soit, c’est faire cette expérience d’un passage entre deux états. Une façon de se définir, de quitter une manière d’être, un état, pour en embrasser un nouveau, synonyme d’une joie nouvelle et profonde.

Parallèlement, cela veut aussi dire que rester devant la porte est un symbole d’espérance, espérer trouver une âme accueillante et bienveillante. On peut se souvenir de cette parole de l’Apocalypse où Jésus lui-même se tient présent, devant la porte de notre coeur, plein d’espérance : ; « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. (Ap 3,20).

La porte est souvent de notre côté, et le Christ espère que nous lui ouvrions pour révéler en nous ce qu’il y a de plus profond et de plus noble.

– Lieu de transition entre deux niveaux de connaissance :

Enfin, en passant une porte, on peut aussi être surpris de ce que l’on découvrira derrière. On peut apprendre quelque chose, par exemple sur celui qui nous accueille, en l’écoutant parler, en voyant la décoration de son intérieur. On passe d’une certaine ignorance à une certaine connaissance. Et pour cela, il faut passer la porte.

Il en est de même pour une vocation : Au début, il y a beaucoup d’incertitudes, beaucoup de doutes et d’ignorance. Et il y a deux choix. Soit on reste devant la porte, et les questions que l’on porte ne sont jamais résolues, soit on franchit la porte et l’on apprend sur nous, on apprend à mieux se connaître, se comprendre. Cela peut passer par le chemin des fiançailles, une année de discernement, un stage dans un domaine qui nous attire et que nous ne connaissons pas suffisamment. Un seul mot : il faut se risquer. Il faut se donner les moyens, franchir la porte, et se risquer à découvrir ce qu’il y a derrière.

Pour synthétiser tout cela et le dire en peu de mots : Ce qui définit une porte, c’est qu’il s’agit à la fois d’une ouverture (qui peut renvoyer à l’image d’une vocation claire) et d’une fermeture (l’idée est alors plutôt : ce n’est pas ma voie). Parfois d’une demi-ouverture (on n’est pas sûr de soi, dans ces cas-là. Qu’est-ce qu’on va trouver derrière ? On s’avance, on hésite. Parfois on continue, parfois on fait marche arrière).

Quand on se pose la question d’une vocation, quelle qu’elle soit d’ailleurs, on est souvent comme posté devant une porte entr’ouverte. Parfois, on sait qu’il suffit de pousser la porte, et que nous serons vraiment dans notre lieu propre, le lieu qui nous correspond. Parfois, on entre, et on se rend compte que ce n’est pas cela. Alors on ressort et on ferme la porte. Et parfois on hésite. Mais tant qu’on n’entre pas, on ne peut pas savoir. Il faut toujours un acte de foi, quelle que soit la vocation que l’on sente surgir en soi.

Acte de foi et liberté ! Nous le savons bien, il y a une immense liberté qui est laissée, dans la vocation. La décision nous revient, le choix nous revient. Le choix d’ouvrir, de fermer. La porte est le lieu du mouvement.

Regardons comment Jésus invite ses brebis à aller et venir. Il y a une immense liberté qui est laissée. Quand une brebis passe la porte, la porte reste ouverte, elle n’est pas fermée à clef. L’air continue de circuler ! Et il est possible de ressortir. Et de revenir.

Jésus ne dit pas qu’il est le pâturage, ni même qu’il est l’enclos ! Il se définit comme la porte, c’est-à-dire le lieu même du passage, le lieu même de la transition.

Le lieu même de l’invitation : Une porte, c’est ce qui appelle et invite à voir derrière et au-delà. Jésus nous appelle. Tous.