« Le pain eucharistique et le pain des pauvres » : l’homélie du dimanche 22 novembre de Mgr Dufour

Dans son homélie du dimanche 22 novembre 2020, Mgr Christophe Dufour nous propose un aller-retour : « du pain eucharistique au pain des pauvres », et « du pain des pauvres au pain eucharistique ».

Du pain eucharistique au pain des pauvres

En ce temps de confinement, beaucoup de catholiques ont manifesté pour avoir la messe. Comme je les comprends ! Certes il nous faut obéir aux mesures sanitaires pour lutter avec tous contre l’épidémie. Mais comme je vous comprends, frères et sœurs, qui participez à la messe derrière un écran ! Notre âme a faim, et cette faim de notre âme ne peut être apaisée que par le pain descendu du ciel, le pain de vie, le pain eucharistique. Gardez bien cette faim au fond de votre âme, frères et sœurs. Notre vie, c’est le Christ. Sans la grâce de l’Eucharistie, il nous est difficile de vivre réellement notre vie chrétienne, de répondre à l’appel à la sainteté. « Ce n’est plus moi qui vis, dit saint Paul, c’est le Christ qui vit en moi ». La messe est communion au Christ vivant. La messe n’est pas une vitamine ou une potion magique que l’on viendrait chercher chaque dimanche comme un fortifiant. L’hostie n’est pas quelque chose, elle est quelqu’un, elle est communion à la personne du Christ pour qu’il vienne vivre en nous. Lorsque nous communions au Christ, le Christ vient vivre en nous. Il vient vivre en nous pour aimer.

Oui, pour aimer. Pour aimer le pauvre que nous sommes, pour nous aimer dans nos joies et nos peines, dans tout ce qui fait notre vie. Il vient aussi pour aimer et servir les plus petits de ses frères. Oui, c’est vers le pauvre que, à chaque Eucharistie, le Christ nous envoie pour aimer et porter en son nom le pain des pauvres. Il nous envoie vers celui qui a faim, vers celui qui est étranger, vers celui qui est nu, malade ou en prison. Du pain eucharistique au pain des pauvres. Du corps eucharistique du Christ présent sur l’autel au corps souffrant du Christ dans le pauvre. Je rêve que chaque dimanche soit offert le pain des pauvres sur le parvis de nos églises, je rêve d’une table ouverte où se partage le pain qui nourrit les corps, le pain de la fraternité et de l’amitié, le pain de la tendresse. Je rêve que toutes les personnes seules, les personnes en souffrance, les personnes malades de nos quartiers reçoivent une visite ou un petit signe d’amitié, signe partagé de la bénédiction reçue au cours de la messe, pain de la tendresse, pain du partage. Du pain eucharistique au pain des pauvres. C’est le chemin aller. Prenons maintenant le chemin du retour.

Du pain des pauvres au pain eucharistique

Frères et sœurs, est-ce que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ? Est-ce que nos frères et sœurs en souffrance savent qu’ils sont aimés de Dieu, qu’ils sont les préférés de Dieu, les frères et sœurs du Christ ? Le Christ accomplit la prophétie du prophète Isaïe : « La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». C’est la devise de saint Eugène de Mazenod : « Les pauvres sont évangélisés ». Frères et sœurs, est-ce qu’ils vous arrivent d’inviter à la messe pour que cette bonne nouvelle de l’amour du Christ soit reçue ? Les pauvres sont premiers dans le cœur du Christ, mais sont-ils à la première place dans nos prières et nos assemblées ? J’aime cette parole du père Joseph Wreszinski, lui-même venu de ce que l’on appelle le « Quart-monde » : « Les pauvres nous évangélisent » écrit-il. Je me rappelle cette paroisse où chaque dimanche, des paroissiens allaient chercher Marc et Patou dans leur maison pour personnes handicapées – ils étaient en fauteuil roulant ; les paroissiens m’ont dit : « Depuis que Marc et Patou sont au milieu de nous, la messe, c’est plus pareil ! » Lorsqu’ils sont au milieu de nous, les pauvres nous apportent la joie de l’Evangile. Du pain des pauvres au pain eucharistique.

En cette fête du Christ Roi, nous contemplons le Christ dans la gloire rayonnante de son éternel Amour. En cette Eucharistie, nous contemplons notre Roi dans l’hostie, offrande qu’il fait de sa vie. Et lui-même, notre Roi, nous appelle à le contempler et à le servir dans les plus petits de ses frères. « Je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

« Ce n’est pas perdre son temps que d’aimer le plus petit des hommes comme un frère, comme s’il était seul au monde » écrit le pape François dans son encyclique « Fratelli tutti », citant le père René Voillaume. Il écrit encore : « Si je réussis à aider une seule personne à vivre mieux, cela justifie le don de ma vie ». Le Christ nous appelle à faire germer son Règne en nous et autour de nous. Qu’en cette fête du Christ Roi, Dieu notre Père nous fortifie dans la fidélité au Christ notre Roi. « Père, que ton Règne vienne. Père, délivre-nous du mal. »

Amen.

 

Homélie de Mgr Dufour – Dimanche 22 novembre 2020