« Soyons profondément unis dans le Christ » : l’homélie de Mgr Dufour pour la messe chrismale
Dans son homélie de la messe chrismale du lundi Saint, Mgr Christophe Dufour nous appelle à chercher et à voir l’action du Seigneur dans les événements que nous traversons. Il nous partage également deux intuitions fortes du Pape François.
« Aujourd’hui cette parole s’accomplit ». Combien de fois avons-nous médité, prié, prêché cette parole du Christ à la synagogue de Nazareth ? L’auteur du livre de l’Apocalypse répond comme en écho : « Tout œil le verra ». Ainsi, dans notre foi chrétienne, nous croyons que tout homme verra s’accomplir la pâque de Seigneur.
Nous sommes 2000 ans après Pâques. Que voyons-nous ? Nous sommes toujours dans la situation des premiers chrétiens du premier siècle à qui s’adresse Jean, le visionnaire de l’Apocalypse. Il donne à voir le Christ qui vient accomplir sa pâque. « Tous le verront » écrit le livre.
Que voyons-nous ?
Nous voyons une humanité désemparée, qui prend conscience de sa fragilité, sans doute pas encore de son orgueil. Nous voyons un virus qui mute, nous le voyons rusé comme le serpent, inoculer le mal et attaquer la vie humaine, notre trésor.
Que vient révéler le Seigneur à travers ces évènements ? Quelle parole entendons-nous de lui ? Le Seigneur nous a choisis pour être ses témoins. De quelle espérance serons-nous les témoins ? Chers frères prêtres et diacres, vous avez souvent prêché depuis un an. Quelle vision l’Esprit Saint vous a inspiré et offerte ? Et vous, fidèles du Christ, on vous a interrogés. Certes vous avez-vous-mêmes éprouvé de l’inquiétude – qui peut y échapper, à vue humaine ? De quelle espérance avez-vous été les témoins ? Le Seigneur nous appelle à nous aider les uns les autres à creuser cette espérance que nous donne la foi en Jésus-Christ Sauveur, à mettre des mots pour la faire entendre, à poser des actes pour la donner à voir.
Pour ma part je me suis laissé guider par le pape François depuis ce jour où le 27 mars dernier, 15 jours avant Pâques, seul sur la place Saint-Pierre, il avait parlé au monde. Que voit-il ? Je retiens deux de ses intuitions qui m’ont donné à penser et à voir.
UN : le pape François voit un « débordement de miséricorde », à la manière d’un grand fleuve qui déborde. Comme le Samaritain de la parabole, nous sommes invités à nous laisser atteindre par ce que l’on voit, nous laisser pénétrer par les souffrances dont nous sommes les témoins. Pour cela, écrit François dans « Un temps pour changer », « tu dois aller aux périphéries de l’existence. Si tu veux voir le monde tel qu’il est, tu dois te rendre aux marges pour trouver un avenir nouveau » (page 24). Et il cite saint Paul : « Là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Ro 5,20).
Frères et sœurs, nous avons rendez-vous au pied de la Croix. Que la contemplation du crucifié fasse jaillir de nos cœurs un débordement de miséricorde. La croix de ceux qui souffrent est-elle plantée au cœur de nos paroisses ? Les pauvres sont-ils au cœur de nos communautés ?
DEUX : le pape François voit un mouvement populaire qui appelle à un changement profond. Il voit un peuple en mouvement. Il fustige sévèrement l’erreur de faire de l’individualisme le principe d’organisation de la société. « Sans le ‘’nous’’ d’un peuple qui transcende le ‘’moi’’ des intérêts individuels, l’existence se désagrège et devient violente » (page 75).
Église du Christ, nous sommes le peuple de Dieu. Nos paroisses sont ce peuple. Les familles chrétiennes sont ce peuple. Comment notre petit peuple sera-t-il en mouvement, créatif et prophétique ?
Au seuil de cette semaine sainte, avec vous je demande la grâce que nous soyons profondément unis au Christ, jusqu’à la Croix. Laissons-nous aimer, réconcilier, pardonner, en particulier dans le sacrement de réconciliation.
Avec vous je demande la grâce de voir dans la foi le Seigneur Ressuscité à l’œuvre aujourd’hui dans notre humanité.
Avec vous je demande la grâce que nous soyons par toute notre vie les témoins de l’espérance que nous donne la foi en Jésus Sauveur. N’ayons pas peur de dire autour de nous que cette semaine est sainte. Vivons-la avec ferveur. Je vois déjà la lueur du matin de Pâques, j’entends déjà le chant de l’Alléluia répandre la joie du Ressuscité. À toi la gloire, à toi la victoire. Aujourd’hui s’accomplit la pâque du Seigneur. AMEN.