« Humilité, bonté et mission » : l’homélie de Mgr Dufour pour la messe d’action de grâces pour la canonisation de Saint Charles de Foucauld

À l’occasion de la messe d’action de grâces pour la canonisation de Saint Charles de Foucauld, célébrée à la cathédrale d’Aix-en-Provence, Mgr Christophe Dufour nous invite à écouter ce que Dieu a écrit pour nous dans la vie de Saint Charles de Foucauld et que l’Église nous donne aujourd’hui comme message à vivre nous-mêmes : humilité, bonté et mission.

 

Qu’est-ce que Charles de Foucauld est allé faire au désert ? On dit qu’à la congrégation romaine pour la cause des saints, on s’en est étonné lorsque sa cause fut introduite pour sa canonisation. Frère Charles voulait être missionnaire, pourquoi donc était-il parti au désert ? Permettez que j’évoque un souvenir de ce désert où a vécu Charles de Foucauld. J’ai eu le bonheur de passer un mois de solitude dans un ermitage à l’Assekrem, à 2800 mètres d’altitude, dans le massif du Hoggar. Le désert à perte de vue, avec comme seuls compagnons les corbeaux et les fourmis. Le premier jour, sur la route qui me conduisait de Tamanrasset à l’Assekrem, j’ai reçu un beau cadeau du ciel : il a plu des trombes d’eau – ce qui arrive 3 ou 4 jours par an ! J’ai alors vu fleurir le désert.

Frère Charles a vécu la plus grande partie de sa vie dans ce désert, au milieu des Touaregs. Il y était venu en amoureux de ce peuple avec le désir de leur annoncer le nom de Jésus, de témoigner de son Sacré Cœur auquel il avait consacré toute sa vie. Il n’a pas fait une seule conversion de son vivant. Mais quelle éclosion depuis sa mort ! Sur tous les continents, à la prière de saint Charles de Foucauld, nous voyons fleurir le désert !

Trois paroles de l’Ecriture ont été choisies pour la célébration de la canonisation. En écho, voici trois mots pour écouter ce que Dieu a écrit pour nous dans la vie de saint Charles de Foucauld et que l’Eglise nous donne aujourd’hui comme message à vivre nous-mêmes : humilité, bonté et mission.

Humilité (Ph 2, 1-11)

Citons la parole de l’apôtre Paul aux Philippiens : « Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : ‘’Il s’est anéanti’’ ».

Frère Charles avait le désir de s’asseoir à la dernière place, mais Jésus l’avait prise. Charles ne pouvait s’asseoir qu’à ses côtés. Personne ne pourrait s’abaisser plus bas que le Christ. Lui, Jésus de Nazareth, le Fils du Très-Haut, s’est fait néant. Il est venu chercher le petit, il s’est fait lui-même le tout petit, pour être bien sûr de n’en oublier aucun au plus bas de notre humanité.

Premier message du frère Charles : fixer avec lui les yeux sur le Dieu humble qui se donne à voir en Jésus, le Dieu humble dont l’amour infini est éternelle renonciation à soi, don total. L’humilité est aux antipodes des valeurs du monde. Dans son orgueil l’homme se croit le maître de l’histoire. N’est-ce pas ce qui le perdra ?

Où le frère Charles avait-t-il appris l’humilité ? C’est à Nazareth où il a séjourné et médité la vie cachée de Jésus, le Fils de Dieu. Il retrouvera son Nazareth en contemplant pendant de longues heures chaque jour Jésus caché dans le tabernacle. Un épisode de sa vie lui fera faire un pas décisif sur le chemin de l’humilité ; c’est le jour où, malade, tout près de la mort, il devra se laisser aider et soigner par ses amis les Touaregs. Pour lui, si volontariste, ce sera une deuxième conversion qui le fera communier au Christ qui s’est abandonné tout entier dans les mains de son Père. « Père je m’abandonne à toi ». « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ».

Bonté (Jn 15, 9-17)

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». C’est la parole du Christ dans l’évangile de Jean.

En octobre 1901, frère Charles est aumônier militaire à Béni-Abbès. Il porte la gandoura blanche. Il coud sur sa poitrine le cœur surmonté d’une croix brune, emblème de son amour de Jésus. Charles de Foucauld s’explique : « Ce cœur écrit sur ma robe, il est là pour que je me souvienne de Dieu et des hommes pour les aimer… De toute mes forces, je tâche de montrer, de prouver à ces pauvres frères égarés que notre religion est toute charité, toute fraternité, que son emblème est un cœur ».

Frère Charles est un missionnaire de l’amour par la bonté. « Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. En me voyant on doit se dire : ‘’Puisque cet homme est si bon, sa religion doit être bonne’’. Si l’on me demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : ‘’ Parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi. Si vous saviez combien est bon mon Maître Jésus ». Je vous confie que ces paroles de frère Charles auront inspiré ma vie chrétienne et ma mission de prêtre puis d’évêque.

La bonté est elle aussi aux antipodes des valeurs du monde marqué aujourd’hui par la compétition et l’affirmation de soi. Que de dégâts ! La compétition produit l’exclusion, la chute, la honte, la violence. La bonté panse les blessures. Heureux les doux, ils posséderont la terre ! Heureux ceux qui rayonnent la bonté, ils susciteront la consolation, ils essuieront les larmes.

Mission (Is 61, 1-3a)

« Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle » dit le prophète. Missionnaire de l’humilité et de la bonté de Dieu. Missionnaire par l’humilité et la bonté. Charles de Foucauld est un missionnaire pour notre temps. Son histoire dans la foi parle à ceux qui ont perdu Dieu et se retrouvent sans boussole. Charles est passé par là. Epreuve de la perte de ses deux parents à l’âge de 5 ans, puis de sa grand-mère maternelle. Grave crise de la foi à son adolescence. Il dira : « J’ai perdu la foi au lycée parce que je n’ai pas eu de réponse à mes questions ». Il en ressortira chez lui un mal de vivre. Pour oublier ce mal-être, il se réfugiera dans une vie de jouissance. Enfant prodigue, il dilapidera l’héritage.

La rencontre de sa cousine Marie de Bondy et celle de l’abbé Huvelin furent les instruments de Dieu pour faire revenir à lui Charles de Foucauld. Nous connaissons le récit de sa conversion. Il avait alors 28 ans. 25 ans plus tard, il écrira : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de vivre que pour lui ».

Que de mal être aujourd’hui dans notre jeunesse ! Les enquêtes rapporte que de plus en plus de jeunes de 16 à 25 ans souffrent de pensées suicidaires. Confions notre jeunesse à la prière de saint Charles de Foucauld.

Revenons au désert. Frère Charles dit encore : « C’est au désert qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu ». Il est bon de se préserver des moments de désert pour chasser de soi ce qui n’est pas Dieu. Saint Charles de Foucauld, priez pour nous, priez pour que nous chassions de notre vie tout ce qui n’est pas Dieu. Saint Charles de Foucauld, inspirez-nous le chemin de l’humilité, de la bonté et de la mission.

AMEN.