« Telle est la vie de la grâce » : l’homélie de Mgr Delarbre pour la fête de l’Immaculée Conception

À l’occasion de la solennité de l’Immaculée Conception, Mgr Christian Delarbre nous invite, à travers son homélie, à vivre la vie de la grâce, sous la conduite de la Vierge Marie.

 

Chers amis,  je suis heureux de partager avec vous cette grande fête patronale de notre diocèse où nous honorons l’Immaculée Conception de Marie. Le Gascon que je suis et qui s’adresse à des Provençaux est contraint d’avouer qu’il ignore si la Sainte Vierge parle provençal, mais qu’il est sûr et certain qu’elle parle gascon ! « Que soy era Immaculada Councepciou », sont les mots par lesquelles le 25 mars 1858, elle se désigna elle-même à la petite Bernadette, dont la langue usuelle était le gascon et qui par ailleurs ignorait tout de l’Immaculée Conception définie par le pape Pie IX seulement 4 ans auparavant à Rome.

Après avoir emporté la conviction de l’abbé Peyramale, le bon curé de Lourdes, cette parole le plongea aussitôt dans une grande perplexité. En effet, si le pape avait défini le dogme de Marie préservée du péché originel, celle-ci n’avait jamais été appelée l’Immaculée Conception. Le calendrier liturgique indique d’ailleurs qu’aujourd’hui nous célébrons « l’Immaculée Conception de la Vierge Marie ». Et voici que la grande dame de Lourdes dit à la petite Bernadette « Que soy era Immaculada Councepciou ».

Nous ne célébrons donc pas tant une notion théologique qu’une personne, une femme d’Israël, une jeune fille de Galilée, rendue capable d’accueillir par un oui plénier et entièrement libre l’annonce qui lui est faite par l’Ange Gabriel. C’est pourquoi l’Ange la salue de ces mots qui la troublent : « pleine de grâce ». Elle a été par cette grâce et faveur singulière du Tout-Puissant rendue capable de répondre librement et de prononcer les mots suivants: « Qu’il me soit fait selon ta parole ». « Pour pouvoir donner l’assentiment libre de sa foi à l’annonce de sa vocation, il fallait qu’elle fût toute portée par la grâce de Dieu » (CEC 490) Dans la liberté d’Eve rétablie en la situation originelle, elle, la jeune fille, de sa propre et entière liberté, accueille la Parole qui prendra chair de sa propre chair, et accomplit la promesse faite à Eve dans le livre de la Genèse d’une descendance qui écrasera la tête de l’Antique serpent.

Marie est l’Immaculée Conception, la Nouvelle Eve. En elle, la chaine de désobéissance est brisée, elle acquiesce au dessein divin, elle y acquiesce pleinement, librement, entièrement, de toute sa personne, car, ainsi délivrée du Refus originel, elle est libre de prononcer un véritable Oui, le oui de la foi, plein et entier. Par la grâce du Seigneur, elle a donc été conçue immaculée, mais par son Oui de la foi à la Parole de l’Ange et son plénier consentement, elle est et demeure l’Immaculée Conception. Sa réponse « qu’il le soit fait selon ta Parole » ne veut pas seulement dire « je suis d’accord », ce qui serait bien impertinent, il veut plutôt dire son entière disposition.

La grâce que Marie a reçu de manière unique, car unique est sa maternité divine, nous l’avons reçue pour notre part dans le sacrement de baptême. Ce que Marie reçoit de façon unique à sa conception, nous le recevons lors de notre nouvelle naissance baptismale. Le catéchisme de l’Église affirme que « par le baptême, tous les péchés sont remis, le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines du péché. En ceux qui ont été régénérés par le baptême, il ne demeure rien qui les empêcherait d’entrer dans le royaume de Dieu, ni le péché d’Adam, ni le péché personnel, ni les suites du péché, dont la plus grave est la séparation de Dieu » (CEC 1263). Devenus membres du Corps du Christ, rien ne peux désormais nous séparer du Christ. Création nouvelle participant de la nature divine, tel est notre état de baptisé. Tel est l’extraordinaire état de baptisé !

Il demeure en nous une inclination au péché, que l’on appelle concupiscence, qui nous est laissée pour notre combat (CEC 1264). Et dans ce combat, nous nous tournons vers elle. Car ce combat aussi Marie l’a combattu et elle, à notre différence, car tous nous sommes pécheurs, elle l’a remporté, quand nous succombons régulièrement. Et avec elle, nous osons nous aussi prononcer: « Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole ». Guidée par elle, la pleine de grâce, nous désirons d’un grand désir accueillir la grâce divine de notre baptême et y demeurer, suppliant, comme Jeanne d’Arc: « si je n’y suis que Dieu m’y mette, si j’y suis, que Dieu m’y garde ».

Prendre l’Immaculée Conception comme patronne de notre diocèse, c’est vouloir affirmer cette vie de la grâce, sous la conduite de Marie. La vie de la grâce est la vie du chrétien, son milieu vital. Elle est notre transformation profonde, elle est le contenu de l’Evangile, elle est la Bonne nouvelle en Jésus, elle est ce pourquoi nous voulons l’annoncer, et ce pourquoi il est si grave de ne pas l’annoncer. Il n’y a pas d’autre raison à notre foi que de vouloir vivre avec le Seigneur, l’imiter, agir avec lui et en lui et comme lui. Telle est la vie de la grâce. Il n’y a pas d’autre raison à notre foi que de découvrir notre raison d’être qui est d’accomplir sa volonté, de répondre à son appel personnel, de se mettre à son service et qu’il nous soit fait selon sa parole. C’est la vie de la grâce. Il n’y a pas d’autre raison à notre foi qui n’est pas une sociologie, une culture, une philosophie, une affaire de grand nombre, de recensement et de rapport de force, mais une vie, et la vie de la grâce. Il n’y a pas d’autre raison à notre foi que de désirer finalement être dépouillé de tout, ne rien retenir, ne rien laisser s’interposer entre nous et le regard aimant du Seigneur, désirer le voir et pour finir contempler sa face de notre être de chair pour toute éternité. C’est la vie de la grâce. La grâce divine donne toute liberté, elle donne toute force, elle donne toute joie, en elle rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ. Telle est la vie de la grâce…  Par l’intercession de l’immaculée Conception, je prie pour que le Saint Peuple de Dieu qui réside dans le diocèse d’Aix et Arles se réjouisse pleinement de la vie de la grâce qui lui a été donnée, qu’il renouvelle sans cesse son propre « oui » au Seigneur, et que chacun, et tous ensemble, nous conduisions notre vie non pas selon l’esprit du temps, mais selon l’Esprit qui donne grâce.

Amen