L’amour ne peut pas mourir

15 et 16 avril 2017 – Messes de Pâques – cathédrale d’Aix-en-Provence

 

« Le lendemain du dernier jour, qu’est-ce qu’on fera ? » demandait un enfant. Le dernier jour, c’est celui de la mort, celui du grand silence, le grand silence du samedi saint. Le lendemain du dernier jour, nous y sommes, c’est Pâques. Et c’est un premier jour, les récits de la Résurrection se plaisent à le redire, ce fut le premier jour de la semaine, le premier d’une nouvelle semaine. Le lendemain du dernier jour est un tout nouveau jour, une nouvelle création. Un jour de lumière. Souvenez-vous, lorsque Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. Il sépara la lumière des ténèbres. Le lendemain du dernier jour est un jour totalement nouveau, une genèse, un enfantement. Et ce jour est un jour qui n’a pas de fin. Avec la Résurrection de Jésus, nous le croyons, ce jour est déjà commencé.

En méditant les évangiles de la Résurrection, je pensais à Sandrine. Elle avait rencontré le Christ au baptême de ses enfants et elle avait décidé de devenir elle-même chrétienne par le baptême. Mais quelques jours avant Pâques, elle fut hospitalisée. C’était bien sûr pour elle une catastrophe. On tenta de la rassurer, elle pourrait être baptisée dans les semaines suivantes. « Non, dit-elle, je veux être baptisée à Pâques, parce que c’est à Pâques que Dieu est né ». Elle sera baptisée à Pâques de l’année suivante. Elle avait tout compris. Elle avait compris que le baptême nous unit à la vie du Christ ressuscité, la vie même de Dieu, que le baptême fait vivre une mort à une vie ancienne, « au vieil homme » dit saint Paul, pour faire naître à une vie nouvelle, une vie dans l’Esprit Saint. Le baptême est un enfantement.

Frères et sœurs, en cette nuit de Pâques, l’Eglise nous invite à raviver la foi de notre baptême. La Résurrection de Jésus de Nazareth est l’évènement fondateur de notre foi chrétienne. Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine. « Est-ce que c’est vraiment vrai que Jésus est ressuscité ? » me demandent souvent les enfants au cours de mes visites pastorales. Nous ne pouvons en faire la démonstration. Mais nous le croyons sur parole. Nous faisons confiance à ceux qui nous l’ont dit. A commencer par les témoins qui nous l’ont rapporté dans les évangiles. Et aujourd’hui par tous ceux qui témoignent que vivre avec le Ressuscité change la vie.

« Il vit et il crut » nous dit saint Jean. Mais qu’ont-ils vu ? Le témoignage est d’abord celui d’une femme, Marie-Madeleine ; elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Premier indice d’un évènement qu’elle pressent et qu’elle désire : son bien aimé est ressuscité comme il l’avait annoncé. Elle se met à courir pour l’annoncer. Et voici Pierre et Jean, ils courent eux aussi. Pierre voit le linceul, il regarde. Repérage méthodique, comme un rapport de détective, témoignage écrit. « Il vit et il crut ». Il comprend, Jésus avait annoncé qu’il ressusciterait le troisième jour. Il comprend et il croit. Le Christ a vaincu la mort, l’amour est plus fort que le mal.

En octobre dernier, pendant trois jours, pour des travaux de consolidation, le saint sépulcre a été ouvert. Bien sûr il était vide. Rien d’exceptionnel. Sauf que…, un grand silence se fit… tous se turent, y compris les instruments qui sont tombés en panne, trois instruments de mesure, les plus modernes s’arrêtèrent de fonctionner, plusieurs ordinateurs ne parvinrent plus à interpréter les données. Et les franciscains purent entrer, ils témoignent : « Je suis entré deux fois, témoigne le frère Massimo, professeur d’archéologie biblique. A chaque fois, c’est comme si j’avais oublié mon cerveau ».

Sur le témoignage de ceux qui ont vu et qui ont cru, oui, nous croyons. Sur le témoignage de ceux que la rencontre du Christ vivant a transformés. Il y a encore beaucoup de vieil homme dans nos vies et la vie du monde. Beaucoup de mal et de péché. Et ceci pourrait parfois nous désespérer. Mais le Christ ressuscité s’approche de nous dit : « L’amour ne peut pas mourir ». C’est notre espérance.

Je vous citerai encore un mot d’enfant. « C’est bien que Dieu ait mis la mort à la fin de la vie : comme çà on a le temps de réfléchir ». L’enfant nous invite à ne pas nous laisser happer par toutes les sollicitations de la vie et à prendre le temps de la réflexion et de la prière. L’enfant nous invite à ne pas courir dans le vide, mais à vivre les yeux ouverts vers l’horizon d’amour que le Christ ouvre pour nous. C’est toute notre espérance : nous sommes ressuscités avec le Christ, l’amour ne peut pas mourir.

Frères et sœurs, je vous souhaite la paix. J’entendais l’interview d’un moine à qui on demandait pourquoi tant de gens venaient vers eux, dans leur monastère. « Ils cherchent la paix du cœur » disait-il. En cette nuit de Pâques, frères et sœurs, je vous souhaite de recevoir en abondance la paix du cœur, la paix et la joie.