La conversion, un processus jamais achevé

Homélie de Mgr Christophe DUFOUR

Célébration des Cendres à la cathédrale

Mercredi 14 février 2018

 

« Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Telle est la parole que nous entendrons lorsque les cendres nous seront imposées sur le front en ce jour qui marque le commencement du temps du carême. A travers cette parole, le Christ nous adresse un appel à la conversion. Je vais donc ce soir vous parler aujourd’hui de cet appel. Qu’est-ce que la conversion ? Comment la vivre pendant le ce temps du carême ?

 

Qu’est-ce que la conversion ? Qu’est-ce que se convertir ?

Il y a au moins deux manières de l’entendre : la conversion comme moment, comme évènement d’une vie, et la conversion comme chemin, comme processus.

  • La conversion comme moment. Par exemple je n’étais pas chrétien, et je deviens chrétien. C’est un tournant dans une vie, un moment où il se produit un grand changement, un retournement. Ce moment se raconte. Je pense au récit des catéchumènes qui seront appelés dimanche prochain au baptême. Certains se convertissent d’une autre religion, ils pouvaient être de famille musulmane et ils deviennent chrétiens. Parmi nous peut-être, certains ont connu un moment particulier, celui d’une rencontre brûlante du Christ qui les a transformés. Une conversion dont on peut témoigner. Il y a un avant, et un après. Lorsque les évangéliques parlent de conversion, ils l’entendent en ce sens ; et cette conversion est liée au baptême. Peut-être ce carême 2018 sera un moment fort de votre vie chrétienne. Peut-être il y aura un avant et un après, il sera gravé dans votre mémoire, vous pourrez le raconter. Vous pouvez le demander comme une grâce particulière si vous ressentez le besoin d’un moment fort de conversion.
  • La conversion comme chemin. Lorsque les catholiques parlent de conversion, c’est dans le sens d’un processus qui n’est jamais achevé, qui est toujours à reprendre. Ce n’est pas seulement un moment de la vie, c’est toute la vie. On pourrait dire que c’est la condition même du baptisé. Au fond nous sommes tous appelés à vivre chaque jour notre conversion au Christ. Et le carême est un temps fort de ce processus. Un appel à se ressaisir dans notre vie chrétienne, un appel à une révision de vie.

Comment entendre ce « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » de la liturgie du mercredi des cendres ? Comme une parole que le Christ nous adresse, un appel pressant. Venez, tournez-vous vers moi, mettez votre confiance en moi, suivez-moi… Oui, frères et sœurs, retournez-vous et croyez au Christ Vivant. Tournez-vous vers le Christ et mettez toute votre confiance en Lui. Détournez-vous de ce qui vous détourne de lui. Arrachez de votre cœur tout ce qui lui fait obstacle. Purifiez-vous de ce qui alourdit votre marche derrière lui. « Laissez-vous réconciliez avec Dieu » dit l’apôtre Paul. Laissez le Christ travailler à votre conversion, confiez-vous à lui, abandonnez-vous en lui. Clément de Rome écrivait aux chrétiens de Corinthe : « Dieu veut faire participer tous ceux qu’il aime à la conversion » (office des lectures mercredi des cendres).

 

Comment vivrons-nous cette conversion pendant ce temps de carême ?

Aumône, prière, jeûne, ce sont les trois mots clés du Christ dans l’évangile que nous avons proclamé. Je vous propose de les accueillir dans une triple perspective : réviser notre vie dans notre relation à Dieu, notre relation aux autres, notre relation à notre environnement.

Notre relation à Dieu :

  • Prendre du temps avec lui, lui offrir du temps chaque jour, le décider.
  • Mettre davantage de ferveur dans les temps que nous passons avec lui.
  • Se nourrir de la Parole de Dieu chaque jour, au moins un petit verset, si possible quelques minutes de lectio divina, lecture priée de l’Ecriture.
  • Se nourrir des sacrements, eucharistie et réconciliation ; préparer la messe du dimanche en lisant les lectures à la maison ; faire l’effort d’arriver un peu à l’avance pour se recueillir ; participer à la messe en semaine.

Notre relation aux autres :

  • Etre davantage à l’écoute de nos proches, leur donner du temps, en particulier au sein de notre famille.
  • Changer notre regard sur certaines personnes.
  • Etre attentif à ceux qui souffrent autour de nous (quartier, travail…).
  • Prendre un peu de notre bien et le partager avec ceux qui sont dans le besoin.

Notre relation à notre environnement :

  • Poser les gestes propres et intelligents, qui respectent notre environnement et modèrent notre consommation.
  • Lire quelques bonnes pages de Laudato si du pape François

 

Ainsi nous serons sur le chemin de la conversion à laquelle nous appelle le Christ pendant ces quarante jours de carême. Mais il est une autre parole que nous offre la liturgie des Cendres : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Dans le livre de la Genèse, c’est la parole que Dieu adresse à l’homme après son péché. Il y aurait de quoi désespérer. Lorsque Dieu a créé l’homme, il a pris la poussière de la terre, et avec l’eau il a façonné l’homme. Et qu’a fait le prêtre lors de votre baptême : il a versé l’eau du baptême sur votre front. Avec la poussière que nous sommes et l’eau vive de sa vie divine, le Christ nous recrée. En ce premier jour du carême, nous nous souvenons humblement que nous sommes poussière. Nous pourrons ainsi nous laisser recréer par le Christ. C’est tout le sens de notre marche vers le matin de Pâques. Nous sommes ressuscités en Christ, recréés en lui par le don d’amour de sa vie. Accompagnant les catéchumènes sur le chemin de Pâques, préparons-nous  à raviver le don de notre baptême.

Aumône, prière, jeûne… Jeûner, c’est prier Dieu et lui dire « Devant toi je ne suis que poussière, tu es TOUT pour moi ». Jeûner, c’est se tourner vers les autres et donner. Jeûner, prier, donner, tout est lié. Je vous souhaite une bonne marche vers le matin de Pâques, dans l’espérance et la confiance. AMEN.