« Le christianisme peut-il disparaitre en Europe ? »

Homélie de Mgr Christophe DUFOUR, archevêque du diocèse d’Aix et Arles, le jour de la messe chrismale
Lundi 26 mars 2018, cathédrale Saint-Sauveur

 

Je voudrais ce soir vous poser une question grave. Elle a été posée à un journaliste américain, féru d’histoire et de théologie, qui vient d’écrire un livre intitulé « Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus ? » Au cours d’un voyage en France, quelqu’un lui a posé cette question : « Est-ce que le christianisme peut disparaître en Europe ? » Et il a répondu : « Oui, regardez ce qui s’est passé de l’autre côté de la Méditerranée ».

Il n’y a pas de fatalité. Nous demeurons dans l’espérance que nous donne la foi et nous sommes toujours à l’écoute de l’ordre du Christ : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie… De toutes les nations faites des disciples ». Dans l’obéissance, nous avons confiance en sa promesse : « Vous recevrez une force. L’Esprit Saint viendra sur vous. Vous serez témoins jusqu’aux extrémités de la terre ». Je voudrais simplement ce soir rappeler les cinq expériences fondamentales de la foi et de la vie chrétienne telles qu’elles sont vécues par les premières communautés chrétiennes, telles qu’elles sont décrites dans le livre des Actes des Apôtres, et telles que nous sommes appelés à les vivre aujourd’hui pour raviver notre témoignage chrétien dans un monde qui ne l’est plus.

  • L’expérience de la rencontre personnelle avec le Christ vivant.

Frères et sœurs, avez-vous rencontré le Christ ? Certes vous ne l’avez pas rencontré au coin de la rue, il ne vous est jamais apparu à vos yeux de chair. Mais l’avez-vous rencontré dans la foi ? Toute notre vie chrétienne est fondée sur cette certitude de foi que Jésus-Christ est vivant par-delà la mort. Il était mort, et il est ressuscité. Le Christ est notre compagnon de route. Pas de témoignage chrétien sans cette rencontre vitale du Christ vivant.

  • L’expérience d’une vie fraternelle et communautaire.

Y-a-t-il assez d’amour fraternel dans nos paroisses ? Amour puisé au cœur du Christ. Amour fraternel ouvert aux peines, aux souffrances des uns et des autres. Amour qui partage joies et peines dans la confiance mutuelle.

  • Une formation biblique et catéchétique.

Une foi quotidiennement nourrie de la Parole de Dieu dans les Écritures. Une foi partagée, approfondie. Une connaissance des contenus de la foi chrétienne.

  • L’expérience du service.

Servir. Mot clé de la vie du Christ : « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir ».

  • L’expérience d’une communauté missionnaire.

Dieu nous choisit aujourd’hui pour être témoins du trésor de l’amour de Dieu, témoins de tout ce que la rencontre du Christ vivant transforme dans nos vies, témoins de la joie de l’Evangile. Notre foi n’est pas un privilège, notre foi est une responsabilité. Notre Église diocésaine et nos paroisses existent pour évangéliser.

 

Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus ? Ce n’est pas en essayant de sauver nos institutions, mais en vivant intensément ces cinq dimensions essentielles de la foi et de la vie chrétienne. Je ne les ai pas inventées, nous les recevons de l’Écriture et de la Tradition. J’invite chaque groupe chrétien à vérifier s’il les vit et comment il peut les vivre davantage. Groupes de service : catéchèse, service évangélique des malades, associations caritatives, pastorale des funérailles, équipes d’animation paroissiale.  Mouvements apostoliques, spirituels… Je rêve de voir éclore dans ce diocèse des fraternités missionnaires qui vivent ces cinq dimensions essentielles de la vie chrétienne, je rêve que tout baptisé appartienne à l’une de ces fraternités. Je rêve que tout nouveau chrétien puisse rejoindre l’une de ces fraternités. Un pasteur évangélique m’a dit un jour : « Si vous ne donnez pas sept frères et sœurs chrétiens à un nouveau baptisé, il sera exposé à de terribles tentations et menaces pour sa foi ».

 

Est-ce que le christianisme vivra en Europe ? Oui, si chaque paroisse devient un petit monastère rayonnant de foi et de charité et fait vivre les cinq dimensions essentielles de la vie chrétienne. Frères et sœurs, la soif de l’âme est toujours là, dans le cœur de nos contemporains. Les biens matériels ne peuvent la combler. Un mode de vie conduit par la jouissance détruit l’âme. Dieu seul peut la combler. Seul l’éternel Amour du Père manifesté en Jésus-Christ peut la remplir pleinement. Je dois évoquer ici le témoignage d’Arnaud BELTRAME qui, vendredi dernier, a donné sa vie pour sauver des vies. A 33 ans, il avait découvert le Christ et choisi de le suivre. Il l’a suivi jusque dans le don de sa vie. Il sera la petite lumière qui nous conduira au Christ, la petite lumière qui conduit à la grande lumière du matin de Pâques.

Nous sommes un petit peuple. Nous sommes pauvres. Mais l’Esprit Saint nous rend capables d’évangéliser, capables de porter au monde la bonne nouvelle de l’amour de Dieu. Au long de cette semaine sainte, accompagnons Jésus pas à pas dans sa passion, jusqu’à la Croix. Ouvrons nos cœurs pour recueillir son souffle d’amour et de vie. AMEN.