Le calisson, symbole d’espérance

Dimanche 2 septembre 2018, Monseigneur Dufour, archevêque du diocèse d’Aix et Arles a célébré la messe puis béni les calissons d’Aix-en-Provence. Voici son homélie.

« Ils n’ont pas de vin » dit Marie à Jésus au cours du repas des noces à Cana en Galilée.

Il y a 8 jours, m’apprêtant à voyager à Cotonou au Bénin, dans un dialogue intérieur avec moi-même, je me suis dit : « Là-bas, les pauvres, ils n’ont pas de calissons ». Certes, ce n’était pas la prière de Marie à Jésus, mais peut-être quand même une inspiration du Saint Esprit,  et je me suis empressé d’en mettre deux kilos dans mes bagages.

Me préparant hier à la bénédiction des calissons, me réjouissant par avance de déguster les calissons bénis et leur délicieux parfum d’amande, c’est à un autre dialogue que je pensais, un dialogue du fond des âges, le dialogue du prophète Jérémie avec Dieu, au chapitre 1 de son livre, verset 11.

« Que vois-tu, Jérémie ? »

Savez-vous ce que voyait Jérémie ? Non, il ne voyait pas des calissons…

« Je vois une branche d’amandier » dit le prophète.

Ainsi, dans sa vision, Jérémie voyait une branche d’amandier.

Je pense que dans notre assemblée – je ne nommerai personne – certains voient bien plus qu’une branche, ils voient un bois d’amandier, que dis-je, une forêt. Ils voient la Provence, notre belle Provence, couverte d’amandiers. Je rêve avec vous, moi aussi, de ces fleurs d’amandier qui annoncent la fin de l’hiver et nous réjouissent le cœur dans la vision du printemps.

Le prophète est plus modeste, il voit une branche d’amandier, celle des premières fleurs qui, au cœur de l’hiver,  annoncent l’espérance de jours meilleurs. Et Dieu répond : « Tu as bien vu, Jérémie, car je veille ». Savez-vous qu’en hébreu, c’est le même mot pour dire « amandier » et « veilleur ». La Bible est remplie de ces jeux de mots. L’amandier est un veilleur, il fait le guet, il est un guetteur, un guetteur de l’espérance.

Une deuxième fois la parole de Dieu est adressée à Jérémie : « Que vois-tu ? »

Mais cette fois, Jérémie voit un chaudron bouillonnant qui s’ouvre devant lui. C’est alors une prophétie, non plus d’espérance, mais de malheur. Dieu dit : « Le malheur va déferler sur tous les habitants du pays ».

Oserais-je être aujourd’hui prophète de malheur ? Rabat-joie en ce jour de fête ? Que voyons-nous ? Nous voyons un monde inquiet. J’en ai le témoignage tous les jours. Ce n’est plus la peste qui nous menace, comme au temps du vœu Martelly à l’origine de notre fête. Mais c’est la guerre, « une guerre par morceaux » dit le pape François qui a osé parler d’une troisième guerre mondiale. Nous vivons un monde déboussolé qui n’a plus de pilote. Un monde de loups féroces, où la compétition écrase les plus faibles. Un monde de jouisseurs matérialistes qui considèrent la terre comme un grand self-service et la font mourir. Un monde que l’orgueil a rendu aveugle et fermé à la lumière de Dieu. Oserais-je parler de décadence ? Oserais-je dire que nos nations européennes ont perdu leur âme ? J’entends tellement de gens qui me disent qu’ils ont peur. « Ils n’ont pas d’espérance » dirait Marie à Jésus. Alors, il est bon aujourd’hui de parler d’espérance dont l’amande est un symbole.

La fleur de l’amandier annonce le printemps. La fleur se transforme en amande, et nos artisans transforment l’amande en calissons. Le calisson est un symbole de notre Provence, symbole de nos parfums et de notre joie de vivre, symbole du savoir-faire de nos artisans, symbole de nos traditions. Oserais-je le déclarer symbole de notre espérance ? Oui, à condition de redire que notre espérance, nous ne la puisons pas dans l’ouvrage de nos mains, mais dans notre foi chrétienne. Dieu est le Créateur de toutes choses. Il est maître de la vie et de la mort. Il est l’alpha et l’omega de l’histoire. Il a créé l’amandier, sa fleur et son fruit. L’amande est symbole de fécondité, les mariés l’offre aux invités de la noce. L’amande est symbole de l’immortalité, les parents l’offrent aux invités de la fête du baptême, ce jour où leurs enfants naissent à la vie éternelle, la vie divine, la vie qui ne meurt pas, la vie qui est Amour, éternel Amour. Telle est la source de notre espérance : en Jésus, Dieu partage aux hommes son éternel Amour, son infinie bonté.

Que cette bénédiction des calissons ravive en nous l’espérance. Que Marie, Notre Dame des calissons veille sur nous et nous garde dans l’espérance que donne la foi en Jésus-Christ notre Sauveur.

Notre Dame des calissons, priez pour nous.

Notre Dame de Provence, priez pour nous.

Notre Dame d’espérance, priez pour nous. AMEN.