Réveillons en nous la confiance de l’enfant !

Homélie de Mgr Christophe DUFOUR

Fête de l’Immaculée Conception

Cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence

Lundi 9 décembre 2019

 

Voici venu le temps des crèches. C’est le moment… Dans les maisons et les églises, on s’active, on fait la crèche : la mousse, les branches de pin, l’étable des bergers, les moutons, les premiers santons…Et l’on commence à raconter l’histoire d’un santon particulier, le santon surprise. Le connaissez-vous ? C’est une vieille femme. Viendra-t-elle cette année ? Elle est vieille, très, très vieille, toute ridée, si vieille que l’on confond sa bouche avec ses rides. Cette nuit-là, à Bethléem, un violent coup de vent avait secoué la porte de l’étable et la vieille femme était entrée. L’enfant dormait profondément. L’âne et le bœuf avaient souri, ils avaient tout de suite compris. Joseph, en bon père, s’était préparé à intervenir, soucieux de la sécurité de l’enfant. Marie demeurait dans la confiance, gardant tout dans son cœur. Les bergers commençaient à s’affoler, mais les moutons s’écartaient pour laisser passer la vieille femme qui s’approchait de l’enfant. Elle avait sorti quelque chose de son grand manteau et d’un geste rapide avait déposé son cadeau dans le berceau. Alors elle avait disparu, transfigurée, radieuse et rayonnante. Alors Marie s’était penchée sur le berceau pour découvrir ce que la vieille femme y avait déposé : c’était une pomme.

Qui était donc cette femme ? C’était Ève… Ève, la mère des vivants, créée par Dieu à l’origine. Ève, qui succomba à la tentation diabolique et laissa entrer le mal en notre humanité. « Le serpent m’a trompée, dit-elle, et j’ai mangé le fruit de l’arbre de vie ». Ève, dans l’attente du Sauveur qui la délivrera de ce mal et la sauvera de la mort éternelle.

Frères et sœurs, nous sommes Ève, marqués par le péché originel. Nous reconnaissons Ève en notre humanité toujours blessée par le mal. Mais dans la foi, nous reconnaissons en Marie la nouvelle Ève, Marie immaculée, préservée de tout péché pour être la mère du Sauveur. En cette fête de l’Immaculée Conception, je voudrais vous parler de ce péché originel dont Marie a été préservée par une grâce unique.

En cinq affirmations :

  • Le péché originel est un dogme, une vérité de foi, s’appuyant sur les Écritures, à la lumière du Christ,
  • Le péché est un fait, une vérité. Nous ne pouvons pas nous mentir à nous-mêmes : nous sommes pécheurs,
  • Le péché originel est appelé péché «de façon analogique » dit le catéchisme de l’Eglise catholique : il est « un péché contracté et non pas commis, un état et non pas un acte » (CEC § 404).
  • La Bible nous révèle la nature de ce péché primordial : il est le refus d’une limite ; il nourrit le soupçon que Dieu est un concurrent qui limite notre liberté, que l’homme doit se débarrasser de la dépendance de Dieu pour être lui-même. Le péché primordial, c’est le péché d’orgueil qui dresse l’homme contre Dieu : « Vous serez comme des dieux » insinue la voix du tentateur.
  • Le péché originel est comme un virus qui se transmet et affecte tout le genre humain. Le pape Benoît XVI le compare à un venin : « Nous portons tous en nous une goutte du venin de cette façon de penser illustrée par les images du livre de la Genèse. Cette goutte de venin, nous l’appelons péché originel » (Homélie du 8 décembre 2005). Et, parlant de ce péché, saint Thomas d’Aquin écrivait ceci : « Tout le genre humain est en Adam comme l’unique corps d’un homme unique » (cité par CEC § 404).

Ainsi le péché originel est une tare originelle qui nous marque tous à notre naissance. De ce péché primordial, l’humanité ne pourra pas se libérer par ses forces. Nous en sommes libérés par la croix du Christ et sa résurrection, pour que nous soyons, dit l’apôtre Paul, « saints et immaculés grâce à son amour ». Le sacrement du baptême efface le péché originel. Par le baptême, nous avons revêtu le vêtement de l’innocence, nous avons été enfantés à une vie nouvelle, la vie même de Dieu. Nous sommes sauvés. Pendant ce temps de l’Avent, par le sacrement de réconciliation, nous sommes invités à revêtir à nouveau le vêtement de l’innocence, le vêtement blanc de notre baptême.

Nous sommes sauvés, et pourtant Dieu a besoin de nous. Comme il a eu besoin de l’innocence de Marie, il a besoin de la petite part d’innocence qui demeure au fond de notre âme, dans notre cœur profond. Cette petite part d’innocence est souvent mise à mal, elle peut être crucifiée, comme fut crucifié le Christ innocent. Mais l’Esprit Saint veille puisqu’il en a fait sa demeure. En ce temps d’Avent, réveillons cette petite part d’innocence que Dieu recherche en nous pour nous sauver. Cette petite part d’innocence qui a conduit Ève à la crèche où elle a reconnu son Sauveur. Réveillons en nous l’enfant, la confiance de l’enfant, et l’espérance que nous donne la foi en l’infinie bonté de Dieu. AMEN.