Notre identité, c’est d’être réconciliés

25 janvier 2017 – semaine de prière pour l’unité des chrétiens – temple de l’église protestante unie – Aix-en-Provence

Notre identité, c’est d’être réconciliés. En cette année de la commémoration des 500 ans de la Réforme, nous demandons à Dieu la grâce d’être conduits ensemble à la source de notre être chrétien, la source qui nous purifie de nos impuretés et de nos idoles. Nous demandons la grâce d’un cœur neuf, d’un esprit neuf, don de Dieu promis par la bouche de son prophète Ezéchiel et offert en Christ lorsque les temps furent accomplis. Laissons-nous réconcilier avec Dieu par le Christ. Faisons ce soir un bout de chemin ensemble.

  • Confessons d’abord notre foi ; c’est le roc de notre origine commune.
  • Rentrons ensuite en nous-mêmes comme le fils cadet de la parabole.
  • Et mettons-nous en route avec le fils vers le Père.

Confessons notre foi commune

La source de notre être chrétien, notre identité de chrétiens, c’est d’être réconciliés. C’est la grande découverte de l’apôtre Paul : « L’amour du Christ nous étreint à cette pensée qu’un seul est mort pour tous… Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ » (II Co 5, 14.18). « Il a plu à Dieu de tout réconcilier par le Christ et pour lui » (Col 1,20). « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils » (Ro 5,10). « Supprimant en sa chair la haine, le Christ est notre paix ; il nous a réconciliés » (Eph 2,15-16).

Aux Corinthiens, aux Colossiens, aux Romains, aux Ephésiens, « être réconciliés », c’est le refrain de Paul. En Christ, nos réflexes identitaires n’ont plus de sens. « Ils sont morts » dit encore l’apôtre (II Co 5,14).  Nos réflexes identitaires pervertissent notre véritable identité, notre identité de réconciliés en Christ. « En Christ, il n’y a plus ni juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme » (Gal 3,11). Avons-nous pris la mesure de ce qui fait notre identité chrétienne, notre identité en Christ ? « Nous avons revêtu le Christ » (Gal 2,20). « Nous sommes le corps du Christ » (I Co 12,27).

Il ne s’agit pas bien sûr de renoncer à ce qui rend chacun de nous unique au monde. Il ne s’agit pas de renoncer à notre naissance, à notre éducation, à nos convictions, à notre héritage, à notre tradition. Mais, nous le croyons, tout cela est transfiguré en Christ. Nous sommes nés en Christ, enfantés comme lui dans le sein du Père. Du Père, nous recevons notre identité : réconciliés.

Rentrons en nous-mêmes

Rentrons en nous-mêmes comme le fils cadet de la parabole. Il nous faut reprendre la mesure du grand scandale de nos divisions. Nous sommes le corps du Christ. Mais « Christ est-il divisé ? » demande l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe qui se disputaient entre partisans de différents leaders. Nous devons le reconnaître humblement et dans les larmes, nous avons déchiré la belle tunique sans couture dont le Christ était revêtu sur le chemin de la Croix, tunique tissée tout d’une pièce du haut en bas nous dit saint Jean (Jn 19,23), tunique que même les soldats n’ont pas osé déchirer.

Lorsque je me replonge dans l’histoire du 16ème siècle, je suis horrifié de ce dont l’orgueil nous a rendus capables, et coupables… Le Christ porte encore aujourd’hui les blessures profondes de tout ce mal que nous nous sommes faits les uns aux autres au cours de notre histoire. En commémorant les 500 ans de la Réforme, nous regardons en face ces blessures du Corps du Christ.

Le 31 octobre 1517, Luther affichait 95 thèses sur la porte de l’église du château de Wittenberg. C’était la veille de la Toussaint et du Jour des morts où beaucoup de chrétiens voulaient acquérir des indulgences pour leurs défunts. Qui aurais-je été après cet évènement du 31 octobre 1517 qui marque la naissance de la Réforme ? Aurais-je été l’archevêque de Mayence qui recherchait de l’argent pour payer les taxes de ses trois évêchés et la construction de la basilique Saint Pierre ? Me serais-je laissé entraîner dans  les excès de langage d’un frère prêcheur enthousiaste au service de cette quête, disant – je cite – : « Une âme monte au ciel, quand la pièce sonne au fond du tronc » ? Aurais-je été le partisan enthousiaste de la réforme derrière Luther ? Je ne peux bien sûr pas vous répondre, mais je peux dire que j’ai honte. J’ai honte et je m’interroge. N’y a-t-il pas une inspiration diabolique derrière ce fait que la fracture s’est opérée sur ce qui fait le cœur de notre foi commune, la justification par la foi ? Je cite la thèse 62 : « Le véritable trésor de l’Eglise, c’est le très saint Evangile de la gloire et de la grâce de Dieu ». Ce très saint Evangile de la gloire et de la grâce de Dieu, c’est le salut par la foi. La foi qui rend juste. La foi qui est tout entière don gratuit de Dieu. Luther rappelait le cœur de la foi chrétienne, il avait visé juste. Avec lui, et dans le même temps que lui, des chrétiens réclamaient des réformes. Le 5ème concile du Latran ouvert par le pape Jules II devait être un concile de réforme. Il pointait les abus, élaborait un programme de réformes. Clos le 16 mars 1517, il fut sans suite hélas. On ne refait pas l’histoire…

Que de gâchis ! Oui, je suis horrifié, j’ai honte, je pleure, je demande pardon, et je veux dire avec le fils prodigue : « Je vais aller vers mon Père et je lui dirai que je ne mérite plus d’être appelé son fils ».

Mettons-nous en route vers le Père

Comme le fils cadet de la parabole, mettons-nous en route vers le Père. Emerveillons-nous de cette foi que nous avons en commun, dont la révélation illumine toute l’histoire et qui doit orienter tous nos efforts pour nous réformer à la recherche de notre unité. Nous sommes en chemin. Il y a bientôt 20 ans, j’ai accueilli avec bonheur la déclaration commune sur la justification. Permettez que je la cite. Elle nous recentre sur l’essentiel.

  • 22 « Nous confessons ensemble que, par la grâce, Dieu pardonne son péché à la personne humaine et que simultanément il la libère en sa vie du pouvoir asservissant du péché en lui offrant la vie nouvelle en Christ… Le pardon des péchés et la présence sanctifiante de Dieu sont intrinsèquement liés par le fait que la personne humaine est, dans la foi, unie au Christ qui, dans sa personne, est notre justice (1 Co 1,30).»
  • 34 « Nous confessons ensemble que les croyants peuvent compter sur la miséricorde et les promesses de Dieu… Ils peuvent, grâce à la mort et la résurrection du Christ, se fonder sur l’efficace déclaration de Dieu dans la parole et le sacrement et avoir ainsi la certitude de cette grâce. »

Nous sommes en chemin pour un retour les uns vers les autres, vers l’unité et la plénitude de la communion en Christ. Ce chemin sera celui de la confession de foi qui nous engage au témoignage et au soin des blessures.

La confession de foi. Nous sommes en chemin pour nous mettre ensemble à genoux au pied de la Croix du Christ et boire à la source de sa miséricorde infinie. En chemin dans le Christ, par Lui et avec Lui, pour nous blottir dans les bras du Père et nous laisser couvrir de baisers. Sur la tunique sans couture que nous avons déchirée, nous ne pourrons que bricoler que quelques reprises ; depuis un siècle, nous n’avons pas fait grand-chose, même si c’est déjà beaucoup. C’est lui, le Père qui, dans sa bonté et par pure grâce, nous revêtira du vêtement de fête. Telle est la confession de foi que nous renouvelons ensemble en ce jour.

Le témoignage jusqu’au don de nos vies. Je pense au martyre des chrétiens d’Orient. Je pense au meurtre du père Jacques Hamel. Je pense aux martyrs protestants en Chine et dans bien d’autres pays. Le témoignage est notre réponse au don gracieux de Dieu.

Le soin des blessures de notre humanité souffrante. Que de blessures ! Blessures au sein des familles. Blessures liées à la crise économique. Blessures des corps des migrants obligés de fuir la guerre et la misère… Ensemble nous sommes en chemin dans le service  du Corps souffrant du Christ.

Je terminerai par ces mots de Jean Paul II méditant la prière du Christ : « Que tous soient un ». Je cite : « Tout cela constitue un défi pour les croyants. Ceux-ci ne peuvent pas ne pas le relever. En effet, comment pourraient-ils ne pas faire tout leur possible, avec l’aide de Dieu, pour abattre les murs de division et de défiance ». Notre réconciliation est et sera l’œuvre de la grâce divine. Nous la demandons ensemble ce soir  dans une prière fervente et unanime. AMEN.

Textes bibliques : Ezéchiel 36, 25-27 ; Psaume 18 ; 2 Corinthiens 5, 14-20 ; Luc 15, 11-24