Homélie des obsèques du Père Joseph Tron

Homélie des obsèques du Père Joseph Tron à Rognonas le lundi 19 juin 2023 par le P. Maurice Rolland, curé de Saint-Rémy au cours de la messe présidée par Mgr Christian Delarbre, archevêque d’Aix et Arles.

Les lectures étaient : Ap 14, 13 ; le psaume 26 ; Lc 2, 27-35. Pour ne pas surcharger le texte, les citations de l’Ecriture sont en itallique.

 

En apprenant le décès du père Tron, ma première pensée a été que venait de se réaliser pour lui ce qu’il disait depuis presque 80 ans à l’office de complies : maintenant, ô maître souverain tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. En effet ce maintenant attendu est devenu réalité, comme l’accomplissement d’une promesse. Il m’arrive, et peut-être mes confrères ont eu ce sentiment, de me dire ‘un soir ce sera peut-être la dernière fois que je le dirai’. Ce maintenant n’est pas qu’un instant furtif qui met fin à une attente, un désir de voir Jésus, son Père et l’Esprit ; c’est le moment de l’entrée dans une autre réalité qui est le repos éternel.

Et aussitôt m’est venue une autre pensée, une inspiration qui a mis en relation un verset de l’Apocalypse que j’ai choisi pour le première lecture : heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur. Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs peines car leurs actes les suivent.

Oui, notre aîné dans le presbyterium, Joseph Tron s’est donné de la peine au service des différentes paroisses où il a été affecté depuis son ordination le 29 juin 1946 par Mgr Charles de Provenchères. Partout, il a laissé le souvenir d’un homme simple, heureux d’exercer son sacerdoce avec dévouement et une présence lumineuse. Ses épreuves de santé l’ont affecté mais n’ont pas entamé son service auprès de tous.

Je ne l’ai rencontré qu’en 2010 quand j’ai été nommé à Noves ; j’ai voulu le voir pour parler de son temps sur place et j’ai été frappé par sa mémoire que tous ont toujours notée. Ainsi il m’a dit ‘j’ai suivi ce que tu faisais dans l’armée’ et m’a cité quelques-unes des mutations ; une autre fois quand il est venu à Châteaurenard au Mas familial pour la messe de la Saint-Eloi, je me suis approché de la voiture pour l’aider à descendre en le saluant : ‘bonjour Père Tron’ et aussitôt il a dit : ‘ah ! Maurice Rolland !’ j’en suis resté ébahi qu’au son de ma voix il me reconnaisse.

Ainsi ni son ostéomyélite en 1934, ni son décollement de rétine en 1979 (année de mon ordination) n’ont entamé sa personnalité attachante, alors que sa santé handicapait beaucoup son ministère. A chaque visite à Béthanie, nous parlions des familles qu’il connaissait et m’apprenait beaucoup d’anecdotes. Nous passions de bons moments en prenant le repas avec Robert Chave, magnifique figure du diocèse d’Avignon.

Je reviens au lien qui s’est établi dans mon esprit entre les paroles du vieillard Syméon prenant l’Enfant Jésus dans ses bras et la voix de l’ange de l’Apocalypse annonçant le repos après les actes posés. Et là j’ai pensé que bien que le Père Tron n’ait pas reçu l’enfant Jésus dans ses bras, le Seigneur lui a donné de transmettre par ses mains les différents sacrements : combien de signes de croix sur des baptisés, de mains bénissant les fidèles, d’onctions d’huile aux malades, d’appels de l’Esprit sur le pain et le vin, Corps et Sang du Christ, d’enseignements par la catéchèse et les homélies, oui, combien de temps consacré à faire aimer Jésus, sa sainte Mère et faire découvrir dans les traditions les marques de la bonté de Dieu pour son peuple ?

Providentiellement, pendant que je préparais ce que je suis en train de vous partager, j’ai trouvé un recueil de pensées sur le prêtre proposées à la méditation par le Pape Benoît XVI ; je vous lis un extrait de son homélie du 27 avril 2008 sur la mission du prêtre :

‘’telle est également votre mission de prêtre : apporter l’Evangile à tous, pour que tous fassent l’expérience de la joie du Christ et que la joie règne dans chaque ville. Que peut-il y avoir de plus beau que cela ? Que peut-il y avoir de plus grand, de plus enthousiasmant, que de coopérer à diffuser dans le monde la Parole de vie, que de communiquer l’eau vive de l’Esprit Saint ? Annoncer et témoigner la joie : tel est le noyau central de votre mission’’.

(in Benoît XVI ‘pensées sur le prêtre’, éd. Artège, col. les indispensables p. 55 § 84)

Oui, c’est bien cela que le vieillard Syméon a offert de dire chaque soir à complies : maintenant ô maître souverain tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole, car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples, lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël.

Alors nous rendons grâce au Seigneur pour tout ce qu’a vu notre frère aîné et qu’il contemple maintenant puisque le Seigneur l’a appelé dans sa paix à venir dans son repos dont parle l’Apocalypse et que le Seigneur Jésus a défini dans une parabole pour les serviteurs méritants : c’est bien bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître.

 Merci, Père Tron d’avoir montré ce chemin à beaucoup et dans la joie nous vous accompagnons au départ du chemin que Jésus a révélé à l’apôtre Thomas : Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne va vers le Père sans passer par moi.

 Merci, cher Père !

P. Maurice Rolland, curé de Saint-Rémy