Etends au monde entier le salut et la paix

Homélie de Mgr Christophe DUFOUR

Messe des funérailles du père Thierry DESTREMAU

Cathédrale Saint-Sauveur le samedi 5 octobre 2019

 

En ce jour où nous accompagnons le père Thierry DESTREMAU dans sa dernière pâque, Thierry notre frère, notre ami, notre prêtre, notre curé, notre rachail, je retiens trois paroles de consolation, trois paroles d’espérance.

 

  • Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux

Dieu recherche les pauvres, il les recherche partout sur la terre. Et lorsqu’il les a trouvés, il les comble. C’est à eux qu’il peut se donner. Heureux les pauvres de cœur, Dieu leur remplit le cœur. Dieu est comme un fleuve d’amour, il cherche ceux qui ont faim et soif, et il les remplit de son amour.

Thierry était un pauvre, un humble prêtre. Chaque matin, j’en suis témoin, il se mettait à genoux, en prière, avant le jour, devant le Saint Sacrement. Il se laissait remplir le cœur. Comme Jésus en croix il disait « J’ai soif ». J’ai soif de ton amour, Seigneur. J’ai soif pour moi. J’ai soif aussi pour tous ceux qui ont faim et soif. Remplis-moi de ton amour pour que je puisse donner ton amour à ceux qui en ont soif, soif de tendresse et d’amour.

Thierry recherchait les pauvres. Il était comme le chien du berger. Il courait beaucoup, notre cher Thierry, notre rachail, il ne tenait pas en place, toujours pressé, toujours impatient. C’est peut-être pour cela qu’il nous a quittés, il était pressé de voir le Christ ressuscité sur lequel il avait fondé toute sa vie. Souvent il m’avait partagé son désir de partir. Partir au Bénin ou en Algérie, pour vivre au milieu des pauvres. Le ministère paroissial lui semblait lourd certains jours. Trop souvent la paroisse est faite d’enfants gâtés, de consommateurs de religion, de catholiques de surface. Thierry cherchait les pauvres, il sortait pour aller à leur rencontre. Il avait une âme de voyageur. Il était un voyageur de Dieu, pour conduire au Christ les pauvres et les humbles de cœur. Son plus grand bonheur était de voir ses paroissiens se reconnaître pauvres et s’ouvrir à la rencontre des Roms ou des voyageurs, comme à Gardanne ou à Lançon de Provence. « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ! »

 

  • Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés

Qui, parmi nous, n’a jamais pleuré ? Tous nous pleurons. Les larmes nous rendent humains, vraiment humains. Les larmes ouvrent le cœur. Les larmes disent l’amour. N’ayons pas peur de pleurer. Non, Dieu ne prend pas plaisir à nous voir pleurer. Quand il se révèle en Jésus, il pleure lui aussi. Jésus pleure lorsqu’il voit son ami Lazare dans le tombeau, et les gens disent : « Voyez comme il l’aimait ».

L’apôtre Paul, cette force de la nature, ce géant de la foi, pleurait lui aussi. Il le dit dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe. Et c’est en Dieu qu’il trouve sa consolation, Dieu le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort. Dans toutes nos détresses, il nous console. Ainsi, grâce au réconfort que nous recevons de Dieu, nous pouvons consoler ceux qui sont dans la détresse. Lorsqu’il écrit sa lettre, l’apôtre Paul vit dans une détresse extrême, sa souffrance est si vive qu’il est comme mort, si intense qu’il désire mourir. Et où trouve-t-il sa consolation ? Dans le Christ ressuscité.

Je vous avoue, frères et sœurs, que j’étais en colère. Pourquoi Dieu nous enlève-t-il notre Thierry en pleine force de l’âge, un de ses bons ouvriers ?  Notre Eglise est déjà si fragile. Alors je me suis souvenu de cette parole de l’apôtre Paul : « Si nous nous trouvons sous le coup de la mort, c’est pour que notre confiance ne soit plus en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts ». Cette célébration d’adieu est une pâque, elle nous dit Jésus ressuscité, elle nous plonge dans la foi en la Résurrection. « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ».

 

  • Etends au monde entier le salut et la paix

Cette parole est une prière de la messe, la prière eucharistique. Thierry l’avait inscrite sur l’image de son ordination sacerdotale. Elle était sa prière de prêtre, sa prière quotidienne lorsqu’il célébrait la messe. « Etends au monde entier le salut et la paix ». Cette prière révèle l’âme profonde du prêtre qu’était Thierry Destremau. Elle dit pourquoi il avait répondu à l’appel du sacerdoce : pour que le salut et la paix de Dieu soient annoncés au monde entier. Le salut par la Croix, sacrifice que le Christ a fait de sa vie, offrande sainte, don d’amour total. La paix donnée. La paix d’une humanité réconciliée, la paix du Christ vivant, ressuscité.

C’est le salut de notre foi chrétienne que le prêtre Thierry annonçait. C’est la paix du Christ qu’il portait avec lui. Sur les terrains qu’il visitait, à la rencontre des Roms et des voyageurs, le rachail avait toujours avec lui une icône du Christ autour de laquelle il rassemblait les enfants et leurs familles pour leur apprendre à prier, à accueillir du Christ vivant le cadeau de la paix.

Le cadeau de la paix, c’est ce cadeau que nous sommes venus chercher ici autour de lui. Le cadeau de l’espérance que nous donne la foi en Jésus ressuscité. Heureux les pauvres, le royaume des cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. Seigneur ressuscité, accueille auprès de toi, notre frère Thierry dans son ultime voyage, sa dernière pâque. Père bien aimé de qui vient tout réconfort, étends au monde entier le salut et la paix. AMEN.

 

Textes choisis : 2 Corinthiens 1, 3-5.9-10 ; psaume 26 ; Matthieu 5, 1-10