Homélie de Mgr Delarbre: du 10 décembre 2023

Homélie de Mgr Christian Delarbre, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles

I.

Chers amis, aujourd’hui, nous entendons les premiers mots, les premières lignes du premier chapitre de l’Evangile selon saint Marc. « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » Le Nouveau Testament est écrit en grec, un grec très simple d’ailleurs, et tous les mots de l’Evangile sont donc des mots du grec courant. Evangile transcrit sans traduire un mot grec euaggelion, qui veut dire « bonne nouvelle ». Il est intéressant de noter qu’un dictionnaire de grec classique donne un sens un peu différent de ce grec simplifié qui est celui des Evangiles, le sens d’action de grâce, de récompense pour une bonne nouvelle. Chez Socrate, offrir un sacrifice aux dieux pour une bonne nouvelle, se dit euanggelia thuein. Et par extension, donc « bonne nouvelle ». C’est bien de penser que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu est en même temps l’action de grâce et la récompense par elle-même… L’Evangile de Jésus est aussi sacrifice offert à Dieu pour une Bonne nouvelle. Et que Jésus est lui-même, en sa personne et la Bonne Nouvelle et le sacrifice offert pour la bonne nouvelle. Voilà qu’aujourd’hui tu accueilles cette bonne nouvelle, et cela veut dire d’accueillir quelqu’un, Jésus, et que l’accueillir est une joie, qu’une action de grâce doit naître en toi à l’écoute de ces premiers mots.

II.

Ce texte nous prépare aujourd’hui à la naissance de Jésus que nous célébrons à Noël, car elle est Bonne nouvelle pour le monde et pour nous. Peut-être peux-tu remarquer que le commencement de cette bonne nouvelle n’est adressé à personne. La Bonne nouvelle de Jésus est la personne de Jésus dans sa nouveauté sans précédent. La bonne nouvelle commence et voilà. Jésus vient et il est là. Il est livré dans le monde comme est livré l’enfant qui naît et qui vient. D’ailleurs, toute naissance est nouveauté, c’est l’expérience forte que font tous les parents. Nadau, Natalis, Nouvé, Noël et Nouveau ont cette parenté qu’une naissance est toujours nouvelle et il se peut que la racine indo-européenne de nos langues en garde trace. Après le temps de la croissance dans le sein de sa mère, quand l’enfant paraît, sa naissance est une nouveauté prodigieuse. De deux humains, homme et femme, un être troisième, issu d’eux sans être eux est apporté au monde. Une nouveauté paradoxale, à la fois aussi commune qu’une simple naissance, comme il y en a par million, et en même temps toujours unique puisque chacun nait différent et unique dans le monde, chacun d’entre nous est sans précédent, et sa naissance est une nouvelle, et même une bonne nouvelle, pour laquelle nous rendons grâce ! La Bonne Nouvelle de la naissance et de la venue de Jésus c’est aussi que ta propre vie est une nouvelle, une nouvelle vie et une bonne nouvelle de la vie, et objet pour toi et chacun d’une action de grâce, d’un merci. Que ta vie soit un merci et que ta vie donne aux autres de dire merci.

III.

« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ » C’est un commencement aussi. Toute naissance est un commencement. Mes amis, nous sommes toujours au commencement. Commencement de notre foi, commencement de notre salut, commencement de notre croissance vers Dieu, la vie qui nous est donnée est en commencement. Commencement de notre lecture de l’Evangile. Eternel commencement de notre compagnonnage avec Jésus… Or, ce commencement, toujours dans le grec, se dit archè, comme dans archétype, archaïque et archéologie, l’étude des commencements. Archè c’est le principe, l’origine, ce qui est en avant (et non pas en arrière. Car ce qui est avant nous n’est pas derrière nous…) Le commencement est-ce ta naissance ? Non, bien avant tu es dans le sein de ta mère. Ou bien est-ce le commencement de tes parents, de leur amour, de leur couple ? Ou de leur propre naissance à chacun ? et ainsi de suite. D’où viens-tu mon ami ? Ton commencement aussi est ancien, car tu n’es pas si nouveau que tu sois sans origine et sans précédent et sans principe. Alors cette Nouveauté Bonne qu’est Jésus Bonne nouvelle est si ancienne aussi…  Le commencement de cette Bonne nouvelle de jésus est en même temps une origine. On pourrait donc traduire, « Origine de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ Fils de Dieu » Archè tou euanggeliou Ièsou Christou. On peut même traduire « Origine de la Bonne Nouvelle Jésus Christ ». En tout cas ça veut dire un peu plus que : « eh les gars, début du bouquin sur Jésus ». Saint Jean ouvre l’Evangile par le même mot, au commencement était le Verbe, « en archè en o Logos », « A L’origine est la parole » remontant ainsi au principe de l’Univers entier… et nous entendrons ce passage le jour même de Noël. Saint Augustin a senti cela de toutes ses fibres et il s’est écrié de toute sa force : « Tard je t’ai aimé beauté ancienne et si nouvelle ! » (Confessions, X, 27, 38), et je vous laisse sur cette belle expression qui peut être la vôtre, et spécialement à ceux qui, comme Augustin, découvre Jésus sur le tard… C’est un commencement pour toi, mais c’est aussi une origine mon ami, ton origine, là d’où tu viens sans le savoir… Une réalité plus ancienne que toute chose et pourtant toujours nouvelle.

IV.

Un autre mot est lié à cette naissance, ce commencement, cette nouvelle, c’est le mot de baptême. Il est ici répété 5 fois dans ces quelques premières lignes de l’Evangile : « Jean, celui qui baptisait » ; « Il proclamait un baptême de conversion » « ils étaient baptisés par lui » « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. ». Vous savez que le mot baptême est encore la transcription d’un verbe grec, baptizo, ou bapto, qui signifie « plonger », « immerger », dans l’eau du Jourdain ou dans l’Esprit de Jésus. Le baptême est un commencement et une naissance. Du baptême est issu une personne nouvelle et renouvelée. Un retour aux origines, aux profondeurs, et une résurrection, une vie nouvelle. Une plongée dans la mort, l’ensevelissement, la submersion, et une plongée dans la vie. Comme le petit enfant, au moment de sa naissance, sort des eaux de sa mère où il était plongé depuis sa conception, et est plongé dans le grand air de la vie, prenant sa première inspiration, et poussant son premier cri, mourant à une vie pour entrer dans une nouvelle plus grande et plus belle. Toi aussi, tu entres dans l’Esprit Saint, tu prends une grande inspiration, et tu cries d’une voix nouvelle, comme crie la voix : « dans le désert, préparez le chemin ».

Mon Dieu, mes amis, ce temps de l’Avent, nous ramène à l’origine et au commencement, du monde, de l’annonce de Jésus, de la vie qui vient de Dieu, de ta propre existence, et de ta nouvelle naissance dans l’Esprit Saint les jours de ton baptême et de ta confirmation, où tu es plongé non seulement dans l’eau de la nouvelle naissance, mais dans l’Esprit qui fait les témoins et donne voix à ceux qui étaient sans voix…  Alors accueillez ces mystères dans la joie et l’action de grâce, dans la stupeur d’être devant une réalité si immense que rien ne saurait en faire le tour, mais aussi comme des enfants devant les choses si simpleS de Dieu : un enfant vient et il prononce des paroles de salut et il vous plonge dans son esprit d’amour.

Amen.