Qu’est-ce qui ne va pas ? – Édito de Mgr Dufour

 

Après le cri des gilets jaunes, voici au seuil de l’été le cri du personnel des services d’urgence, des prisons et des tribunaux.

Nous entendons le cri des aide-soignantes de nos hôpitaux. Elles courent, elles courent , les aide-soignantes… Elles voudraient faire le mieux pour chaque personne accueillie aux urgences, mais elles ne peuvent pas même le minimum ! Médecins et infirmières de ces services le crient eux aussi. Les files s’allongent, les personnes attendent parfois des heures avant qu’un soignant ait le temps de prendre soin d’elles. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Nous entendons aussi le cri du personnel des prisons surpeuplées de notre pays. Nos prisons débordent et le personnel n’en peut plus. Avec bienveillance, nous écoutons leur cri. La nation qui construit des prisons est-elle en bonne santé ?

Et l’on pourrait en dire autant du personnel de nos tribunaux. Les dossiers s’accumulent, toujours plus nombreux, les procédures se complexifient, l’angoisse monte chez ceux qui, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, attendent leur jugement. Le personnel judiciaire réclame davantage de moyens. Avec reconnaissance pour leur travail, nous écoutons leur cri. Comment en est-on arrivé là ?

Le cri doit être entendu et exige une réponse des pouvoirs publics. Mais ce cri doit aussi nous interroger et questionner notre mode de vie. Répondre aux effets : Oui, c’est urgent. Mais aussi diagnostiquer les causes et y apporter les remèdes. Qu’est-ce qui ne va pas ? demande le docteur. A partir de symptômes, quel sera le diagnostic du mal ?

Interrogeons-nous. Qu’est-ce qui ne va pas ? Pouvons-nous toujours penser à notre seul confort individuel et ne pas prendre notre part de la solidarité ? Pouvons-nous tout demander à un Etat proche de la faillite financière ? Pouvons-nous laisser sans réagir la grave crise morale faire ses ravages dans notre société ? Pouvons-nous tout demander à l’argent ? En ce qui concerne la santé, « le drame, écrit Natalia TROULLIER, c’est que toute la chaîne du soin se financiarise et qu’il n’y ait plus d’espace pour l’idéal de gratuité et de don ». Je recommande le petit livre de cette jeune auteure engagée, intitulé « Sortir » ; il s’adresse aux chrétiens désireux de sortir de la crise de la société qui est aussi celle de l’Eglise.

Qu’est-ce qui ne va pas ? Notre mode de vie et la crise de l’âme. Puisse ce temps de vacances nous réapprendre à vivre autrement et à fortifier notre âme.

+ Christophe DUFOUR, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles