Troisième dimanche de Pâques : « Jésus nous rejoint là où nous sommes »

En ce troisième dimanche de Pâques, le Père Christophe de Dreuille, supérieur du séminaire Saint-Luc, nous enseigne dans son homélie que le Christ veut se rendre présent à nous et viens à notre rencontre sur notre chemin. Il nous invite à Lui redire « Reste avec nous Seigneur ».

Les disciples voulaient voir Jésus. Or Jésus voulait leur manifester sa présence. Et ce n’est pas la même chose. Jésus veut leur offrir bien plus que ce qu’ils demandent, eux veulent le retrouver comme il était avant, lui veut leur révéler une nouveauté qui est résumé dans cette parole : « Moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». En Matthieu 28,20.

Jésus est décidément déconcertant, il nous rejoint non pas ou nous aurions aimé être mais où nous sommes, il rejoint les disciples ni d’abord à Jérusalem, ni même d’abord chez eux, mais sur la route. Et c’est à partir de l’expérience de cette route, que les disciples pourront en faire aussi l’expérience chez eux puis à Jérusalem.

Les disciples qui prennent la route vers Emmaüs sont enfermés dans leurs pensées, leur rumination, leur épreuve, ce qui est un drame pour eux, un échec, tous ces projets contrecarrés. C’est là que Jésus vient les rencontrer.

Eux qui voulaient tant revoir Jésus, le voir comme ils l’imaginent.

L’importance du chemin : ce n’est pas un lieu, c’est un temps. Il nous rejoint dans le cheminement de notre existence, il chemine avec nous avant même que nous en ayons conscience. C’est là que va commencer leur expérience nouvelle de la Présence du Ressuscité.

Mystère de la présence, d’un Dieu qui veut être présent à nous. Il veut être présent aux trois sens de ce terme en français :

  • ici présent et plus jamais absent
  • maintenant, présent au présent
  • et enfin comme un présent, c’est-à-dire un cadeau, autrement dit : il veut se donner

Trois modes de présence dans ce texte.

  • en chemin par sa Parole
  • au lieu du repos, comme dans le nouveau jardin du paradis, par la fraction du pain
  • et dans la communauté chrétienne rassemblée

Or au moment de la rencontre en chemin, mais il faudra du temps pour que ce soit une vraie rencontre, lorsque Jésus se rend présent et se fait compagnon de route, ils le pensent, le croient absent. Le témoignage de ceux qui ont vu le tombeau vide ne leur suffit pas. Progressivement, par le don de sa Parole, Jésus transforme ce chemin en un vrai et nouveau cheminement.

Chers amis, Jésus nous rejoint, chez nous comme dans la communauté, dans l’Eucharistie comme dans l’assemblée chrétienne. Or c’est tout ce dont nous sommes privés en ce moment. N’oublions pas qu’il nous rejoint aussi par sa Parole.

Trois enseignements :

  • tout d’abord cette souffrance de ne pouvoir participer à la messe, de ne pouvoir se rassembler peut être l’occasion de réfléchir sur l’importance de ces deux modes de présence, de la manière dont nous les vivions avant, dont nous voulons désormais les vivre dès que nous en aurons la possibilité, Qu’est-ce-que cela veut dire d’aller à la messe chaque dimanche, de vivre l’expérience de la fraction du pain, de recevoir le corps et le sang du Christ ? Que signifie notre rassemblement dominical, l’importance d’une communauté rassemblée ?
  • ensuite, demandez-vous : comment Jésus vient vous rejoindre chez vous, comment il veut se donner à vous ?
  • surtout ce peut être l’occasion d’approfondir la présence du Seigneur dans sa Parole. Il nous rejoint, pour nous écouter et nous parler. Comment prenons-nous le temps de l’écouter et de lui parler à notre tour. Et puis le lieu le plus important dans ce récit, qui occupe le plus de place et qui est le plus prégnant, n’est ni Jérusalem, ni la maison d’Emmaüs, mais le chemin lui-même, cette route dont on prend soin de nous préciser la distance, comme l’indication d’une durée, d’un temps nécessaire. Cette marche connaît plusieurs étape, elle s’interrompt, reprend, permet d’approcher d’Emmaus, conduit à la maison. Jésus nous rejoint moins en un lieu précis qu’en un temps précis, celui de notre cheminement, du parcours de notre existence. Et alors nous pouvons lui confier notre désarroi, notre épreuve. Surtout il veut rendre nos cœurs tout brûlants en chemin, « tandis qu’il nous parle et nous ouvre les Écritures ».

Alors aucun confinement ne vous empêchera de recevoir la Parole de ce compagnon de route qui sait cheminer à notre pas et nous invite à prendre son pas. Accueillons donc chez nous, maintenant, chaque jour la Parole de Dieu. Elle pourra agir en nous, non par brutalité, mais avec force et douceur, pour vous inviter non à arrêter votre marche, mais à accepter de vous laisser déplacer intérieurement, accepter que Jésus ressuscité ne corresponde pas à ce que nous imaginions, qu’il ne réponde pas à notre désir comme nous l’envisagions. Mais ce qu’il veut faire est bien plus grand. Il veut faire sourdre en nos cœurs le désir de demeurer en sa présence, et d’apprendre à être présent à notre tour, présent au Christ pour apprendre de cette communion à être présent de la même manière aux autres.

Double chemin : route d’accueil de la Parole dans le compagnonnage avec Jésus, route du retour, ou les disciples vivent la relecture et le partage de cette Parole qui a rendu leurs cœurs tout brûlants.

Alors nous pourrons prononcer ces mots qui furent la première prière des disciples du ressuscité : « Reste avec nous, Seigneur ».

C’est la première prière de l’Église. C’est la prière que nous pouvons reprendre en particulier chaque dimanche soir : quand nous avons fait l’expérience de la présence transformante de Jésus en ce premier jour de la Semaine, nous pouvons lui demander de rester avec nous tout au long de cette nouvelle semaine qui commence aujourd’hui.

Je vous laisse avec comme suggestion, la prière de saint Jean-Paul II, une de ses dernières prières :

Jésus, crucifié et ressuscité, reste avec nous !

Reste avec nous, ami fidèle et soutien assuré de l’humanité en marche sur les routes du temps ! Toi, Parole vivante du Père, mets confiance et espérance dans le coeur de ceux qui cherchent le vrai sens de leur existence.

Toi, Pain de vie éternelle, nourris l’homme affamé de vérité, de liberté, de justice et de paix. Reste avec nous, Parole vivante du Père, et enseigne-nous des paroles et des gestes de paix. Reste avec nous, Pain de vie éternelle, rompu et distribué aux convives: donne-nous, à nous aussi, la force d’une solidarité généreuse envers les multitudes qui, aujourd’hui encore, souffrent et meurent de misère et de faim, qui sont décimées par des épidémies mortelles ou touchées par de terribles catastrophes naturelles. Par la force de ta Résurrection que tous soient aussi rendus participants d’une vie nouvelle.

Nous aussi, hommes et femmes du troisième millénaire, nous avons besoin de Toi, Seigneur ressuscité! Reste avec nous maintenant et jusqu’à la fin des temps. Fais que le progrès matériel des peuples n’estompe jamais les valeurs spirituelles qui sont l’âme de leur civilisation. Soutiens-nous, nous t’en prions, sur notre chemin. En Toi nous croyons, en Toi nous espérons, parce que Toi seul tu as les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6, 68). Mane nobiscum, Domine ! Alléluia !