« Réveillons en nous la part d’innocence et de bonté » : l’homélie de Mgr Dufour pour la fête de l’Immaculée Conception

À l’occasion de la fête de l’Immaculée Conception, Mgr Christophe Dufour nous invite à réveiller en nous l’enfant qui dort et à nous laisser guider par Marie dans les épreuves que nous traversons.

Frères et sœurs, pouvons-nous croire que Marie a été conçue immaculée, préservée du mal dès sa conception ? Comment notre foi en l’Immaculée Conception éclaire-t-elle la crise que nous vivons aujourd’hui, crise sanitaire révélatrice d’une crise bien plus grave et durable ? Je suggère cette double interrogation pour méditer le mystère que nous célébrons aujourd’hui.

Première interrogation : Pouvons-nous croire que Marie a été préservée du mal dès sa conception ?

La lecture du chapitre trois de la Genèse nous fait revenir au commencement, lorsque Dieu créa. Dieu vit que cela était bon, cela était très bon. C’est notre acte de foi : la Création est bonne. Dieu qui est bon ne peut créer que du bon. Mais voilà que l’ennemi de Dieu s’est dressé contre la Création, il est venu tout abîmer, tout casser. Au fond a-t-il vraiment tout cassé ? Est-ce que vraiment tout est devenu mauvais ? Est-ce que tout est vicié pour toujours, définitivement, du moins à vue humaine ? Ne reste-t-il pas une petite part de bonté, de beauté ?

D’un côté, le mystère du mal abîme le plus beau. Nous faisons hélas l’expérience que même le meilleur de nos vies peut être abîmé par le mal. Dans nos familles, dans nos relations humaines, nous faisons la douloureuse expérience de la puissance destructrice du mal.

Mais d’un autre côté, nous sommes toujours capables de nous émerveiller. La Création demeure fondamentalement bonne. Vous êtes bons, frères et sœurs. Vous pouvez croire qu’en chacun de vous demeure une part d’innocence, de bonté, de beauté. Nous pouvons même affirmer que le mal vient révéler cette part de bonté que le démon ne pourra pas atteindre. Lorsque des jeunes me demandent d’où vient le mal et pourquoi le mal, je leur réponds que je n’ai pas de réponse. Mais lorsque le mal vient frapper, je vois que se révèle un surcroît d’amour. Lorsque la maladie vient frapper un membre de la famille, je vois un surcroît d’amour. Lorsque le malheur frappe quelque part, je vois un surcroît d’amour – nous l’avons vu par exemple lorsque de graves inondations ont sinistré la vallée de la Roya dans l’arrière-pays de Nice et ont suscité un immense mouvement de solidarité. Le malheur nous réveille de notre indifférence et fait jaillir le meilleur du cœur de l’homme, sa part d’innocence immaculée.

Oui, nous pouvons le croire, en son Immaculée Conception, Marie est cette part d’innocence, de bonté, de beauté, que Dieu a préservée du mal, sauvée par avance par le Christ.

Deuxième interrogation : Comment notre foi en l’Immaculée Conception de Marie éclaire-t-elle ce que nous vivons aujourd’hui ?

D’où vient le mal ? demandait saint Augustin. D’où vient le virus ? pourrions-nous dire aujourd’hui. Ce virus de la COVID 19 suscite tant de peur et d’angoisse à la surface de la terre. Il fait beaucoup de mal sur la santé physique, la santé psychique, la santé morale. Non seulement sur la santé des corps, mais aussi sur la santé des âmes. Et aussi sur l’économie, sur le travail. Et aussi sur les relations humaines. Que de dégâts ! Oui, il y a de quoi avoir peur pour l’avenir. Notre humanité est bien fragile. Le malheur vient nous réveiller, nous interroger sur nos modes de vie, nos relations humaines, nos liens à la nature. Le malheur ne vient-il pas ici nous faire prendre conscience du mal que nous nous faisons à la terre, l’épidémie qui nous frappe ne vient-elle pas nous appeler à une conversion ? « La terre crie » ne cesse de dire le pape François.

Regardons de plus près. Que dit notre foi ? Elle nous dit qu’une petite part d’innocence demeure toujours en nos âmes. Elle nous dit que Dieu a besoin de cette part d’innocence pour nous sauver du mal. Nous croyons que Dieu a préservé Marie pour, en Jésus, nous sauver du mal et nous relever de la mort. Nous croyons que Dieu lui-même préserve en nous une petite part d’innocence. Dieu est là. Il est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous.

Dans le récit de la Genèse, nous voyons le diable détruire l’œuvre de Dieu dans ce qu’elle a de plus beau, nous le voyons détruire l’amour de l’homme et de la femme créés à la ressemblance de Dieu. Nous voyons Satan détruire l’image de Dieu en l’humanité. Nous pourrions en être désespérés. Mais Dieu reprend l’initiative, il revient vers l’homme, il l’appelle, nous dit le récit. Histoire d’une alliance que l’homme ne va cesser de trahir et que Dieu n’aura de cesse de renouer. Histoire d’une alliance nouvelle et éternelle que Dieu vient sceller pour toujours en Jésus-Christ. Coupé de Dieu, Adam est nu, il est livré à lui-même et prend conscience de sa fragilité. N’est-ce pas la leçon du drame que nous vivons aujourd’hui ? Sans Dieu, sans le vêtement de la divine miséricorde, l’homme est nu.

Revenons vers le Seigneur, frères et sœurs. À l’approche de Noël, invitions autour de nous à revenir vers le Seigneur. Mettons un peu d’ordre dans nos vies. Réveillons en nous la part d’innocence et de bonté sur laquelle Satan n’a pas de prise, cette part d’innocence que Dieu a préservée en nous et dont il a besoin pour nous sauver. Ne nous laissons pas détourner de l’essentiel. Quelles que soient les conditions sanitaires dans lesquelles nous vivrons la fête, Noël sera toujours Noël, le fête de Dieu avec nous, la fête de la naissance du Sauveur. Ce Noël 2020 sera plus simple, plus profond, plus vrai, plus fervent, rempli d’amour et de partage. L’enfant de la crèche saura toucher nos cœurs, faisons-nous une belle âme pour l’accueillir. Reprenons le chapelet avec une grande ferveur.

Marie Immaculée, Marie mère de notre Eglise diocésaine, Marie mère des familles, Marie mère de nos paroisses et de nos communautés, Marie mère des pauvres, réveillez en nous l’enfant qui dort et priez pour nous.

Amen.

Homélie Mgr Dufour – Fête de l’Immaculée Conception