Les catholiques d’Orient nous rapprochent du Christ par leur langue

Une église dédiée aux catholiques de rite oriental : c’est la nouveauté de la rentrée à Aix-en-Provence. La chapelle de la Consolation, à Aix-en-Provence a ouvert ses portes après des travaux de restauration. Elle a été confiée aux catholiques syriaques maronites, au cours d’une messe célébrée le samedi 8 septembre par l’évêque des maronites de France, Mgr Gemayel. L’évêque d’Aix et Arles, Mgr Dufour, s’est particulièrement investi dans la réalisation de ce projet. Pour quelles raisons ? C’est la question posée cette semaine dans « La voix des Églises ».

Monseigneur Dufour, vous avez largement contribué à la création de ce lieu de culte dédié au rite oriental. Pourquoi cette implication alors que vous n’êtes pas directement concerné par ce rite oriental ?

D’abord, nous sommes tous chrétiens : chrétiens d’Orient, chrétiens d’Occident, comme disait Jean-Paul II, « les deux poumons de l’Église ». Nous avons un poumon, il nous en faut un deuxième pour bien respirer l’air du Christ, le souffle du Christ. Comme aujourd’hui, avec tous les mouvements de population qui accélèrent et bien nous avons de plus en plus de chrétiens d’Orient chez nous. Comme il y a eu les mouvements missionnaires qui ont fait que les mouvements de l’Église d’Occident sont allés en orient, il y a une interpénétration des Églises d’Orient et d’Occident. C’est une bonne chose.

Une opportunité s’est présentée puisque la municipalité d’Aix a racheté la chapelle qui appartenait à l’hôpital et elle a décidé de la restaurer. Je me souviens de l’avoir visitée dès mon arrivée à Aix, c’était les débuts de la restauration. Les services de la municipalité voulaient absolument me montrer ces travaux. Et comme la fin des travaux approchait, ces deux dernières années, on se demandait ce que l’on pourrait faire de cette chapelle. Avec le curé de la cathédrale qui est très branché sur le Liban, moi-même je suis très attaché au Liban car j’y ai habité, j’ai voyagé au Moyen-Orient, en Syrie, Jordanie, Irak et terre Sainte, et bien nous sommes très amoureux de cette foi venue d’Orient et nous avons proposé à la mairie de pouvoir rétablir le culte catholique en cette église et de pouvoir le confier à un prêtre maronite. Il y a en France trois évêques catholiques de rites orientaux : les arméniens catholiques, les ukrainiens catholiques, les maronites. Nous laissons à l’évêque maronite le soin de nommer un prêtre catholique maronite, qui participera à la vie de l’équipe de la cathédrale, de la paroisse Saint-Sauveur et qui en même temps, desservira cette chapelle, en profonde communion avec nous et en profonde communion avec les diverses églises orientales.

Vous parlez essentiellement des chrétiens d’Orient nouvellement arrivés. Avez-vous créé ce lieu de culte uniquement pour les réfugiés ?

Il y a un mouvement continu d’émigration depuis le Liban, depuis de longues années, depuis la guerre de 1975-90. Il y a donc en Provence des Libanais émigrés depuis cette époque-là, ils seront heureux de pouvoir continuer à prier dans leur langue et leur rite.

Quel est l’intérêt pour les catholiques syriaques maronites de bénéficier d’un lieu de culte dédié ?

Jusqu’à présent, ils allaient dans des églises catholiques de rite latin. Là, ils auront la possibilité de prier dans leur langue, l’arabe et le syriaque. Le syriaque est la langue liturgique, comme le latin pour le rite romain. Cela leur permettra de goûter la liturgie de leur tradition et de prier peut-être avec un cœur vibrant.

Vous diriez qu’il est plus facile de prier dans sa langue natale ?

Ils ne vont pas forcément prier en arabe, par exemple les enfants nés ici ne parlent pas forcément l’arabe. Par contre, ils auront les chants syriaques et un peu de Français.

Jusqu’à présent, beaucoup de catholiques de langue arabe ont fréquenté les paroisses catholiques de rite romain. Ils se sont habitués au rite romain, ils se sont intégrés aussi par ce biais. En créant un lieu dédié, les catholiques de langue arabe ne vont-ils pas se reclure ?

Je pense qu’il n’y a aucun risque, ils sont tellement ouverts sur le monde. Il n’y a pas de communautarisme chez les chrétiens d’Orient. Parmi les réfugiés, ils sont encore attachés à leurs traditions et ont des difficultés avec la langue française. Pour ceux-là, ce sera une immense joie. Pour ceux installés depuis plus longtemps, ils pourront aussi vivre une liturgie commune avec les nouveaux arrivants, comme on le fait nous avec les migrants portugais, les migrants italiens : ils ont à la fois une messe en portugais de temps en temps, et la messe dans leur paroisse provençale.

Que peut-apporter cette nouveauté aux catholiques de Provence ?

Leur liturgie est ouverte aux catholiques de rite latin : nous sommes une grande famille. Quand on parle des chrétiens d’Orient, même quand ils sont réfugiés à l’étranger, la religion et le rite sont indiqués sur leur carte d’identité. Il y a beaucoup de mariages entre les catholiques de rites différents, ils forment une nouvelle communauté, c’est leur richesse justement.

Le rite maronite utilise la langue syriaque, une petite sœur de l’araméen, la langue du Christ. La tradition maronite est-elle plus riche que le rite romain ?

À chaque fois que j’entends le Notre-Père en araméen, je trouve cela émouvant car on sait que le Christ a prononcé le Notre-Père dans cette langue-là. Elle a été écrite en grec car les évangélistes écrivaient en grec mais il y a un fond araméen. Même dans les Évangiles, « Abba » est un mot araméen, qui signifie « père ».

Est-ce cela la richesse apportée par l’Orient aux catholiques de Provence ?

Il y aura un petit gout de proximité avec le Christ, avec la source même de l’Évangile qui est née sur cette terre d’Orient.

Quels liens espérez-vous que ce lieu de culte puisse créer entre les catholiques romains et les catholiques maronites ?

D’abord que les catholiques de rite romain aient un cœur qui s’ouvre. Je donnais l’image des deux poumons selon Jean-Paul II : que nous puissions respirer avec les deux poumons. Les chrétiens d’Orient ont beaucoup à nous apporter. Nous avons nos cathédrales, nos sculptures. Eux ont leur liturgie, leurs chants, leurs icônes – n’oublions que l’art de l’icône nous vient d’Orient.

Quelle sera la prochaine étape dans le soutien aux catholiques de langue arabe ?

Ils ont besoin d’amitié, surtout les réfugiés. Nous travaillons tous à la communion de nos Églises, au-delà de l’unité des Églises. Dans « unité » il y a le risque d’uniformité. Nous allons découvrir qu’il y a une diversité de célébrations, de rites. Nous allons nous habituer à la diversité au sein de notre famille chrétienne.

Concrètement ?

Des liens d’amitiés, des fêtes que nous pouvons vivre ensemble, des débats. Je pense qu’ils ont une foi très vive donc ils vont pouvoir nous stimuler dans notre propre foi. Je pense que cela pourrait être passionnant. Grandir dans cet esprit de communion par toutes sortes de rencontres que nous pouvons organiser.