Mgr Dufour : « J’ai développé le talent de l’émerveillement »

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Le 24 novembre, 1500 catholiques du diocèse d’Aix et Arles se sont rassemblés à la Halle de Martigues. Ils ont vécu un forum spi sur le thème Quels talents ?! Après une conférence, un atelier a permis aux participants de découvrir leurs propres talents. Mais dans quel but ? Retour sur cette journée diocésaine avec Mgr Dufour dans La voix des Églises sur RCF.

 

Quel talent vous êtes-vous découvert à l’occasion de cette journée ?

Un talent de contemplation, d’émerveillement, le désir d’exprimer ma joie avec tout mon être, y compris par mon corps. Ceux qui m’ont révélé ce talent, ce sont les pauvres, les plus simples. Au temps de louange au début de l’après-midi, ils se sont mis au-devant de la scène et ont dansé, chanté, prié. C’était absolument merveilleux. On ne pouvait pas résister, c’était contagieux. Je me suis mis à danser la joie d’être chrétien, d’être aimé par le Christ.

 Vous avez parlé d’émerveillement, de contemplation, mais devant quoi ?

Cette capacité de s’émerveiller devant les talents des autres !

Mgr Dufour, vous êtes évêque depuis l’an 2000, vous aviez 53 ans. Votre fonction, celle d’évêque, a-t-elle révélé un talent que vous ne connaissiez pas auparavant ?

Je crois vraiment que j’étais dans une expression de ma foi très intérieure jusqu’ici. Désormais, j’ai la capacité de l’exprimer, d’oser l’exprimer en l’extériorisant. Le témoignage passe par l’expression de la foi qui transforme tout l’être, y compris le corps. Je l’ai dit dans mon petit mot d’introduction à cette journée diocésaine, nous sommes venus à Martigues pour exprimer la joie de l’évangile, la joie d’être infiniment aimé par le seigneur. Cette joie, nous avons à apprendre à l’exprimer avec tout notre corps, tout notre être : notre âme bien sûr, notre bouche, nos yeux, mais aussi tout le corps qui exprime cette joie.

Ce qui est très à la mode ces temps-ci, c’est le développement personnel. Apprendre à se connaître, développer ses propres talents et dons, ses capacités. Le forum spi que vous avez vécu s’inscrit-il dans cette tendance, Christophe Dufour ?

Si oui, j’ai envie de dire ‘tant mieux !‘, mais cela n’est pas notre perspective. Si les personnes, en se mettant sous le regard du Christ, découvrent leurs talents et D leur capacité à progresser, l’orientation de leur vie, tant mieux. Je ne critique pas ceux qui travaillent à leur développement personnel en apprenant à se contempler, à se regarder, à se découvrir. Mais nous, nous avons proposé de se découvrir à la lumière du regard que pose le Christ sur nous, c’est-à-dire un regard d’amour, de bienveillance, et même temps, en nous faisant découvrir nos talents, Jésus-Christ nous appelle ; et en nous appelant, il nous fait découvrir nos talents. Il nous appelle à réaliser notre vie, à réaliser ce que nous sommes. Comme une petite graine qui doit germer et grandir. C’est ce qui est absolument merveilleux dans notre foi chrétienne.

Le 24 novembre, l’intervenant principal du forum spi, le père Francis Manoukian, a invité les chrétiens à développer le talent de l’audace. Audace pour annoncer l’évangile. Soutenez-vous cette exhortation ?

Souvenons-nous des apôtres qui avaient peur. Avec le don de l’esprit saint qu’ils ont reçu communautairement et même temps chacun avec son propre talent, ils sont sortis. Et le pape François nous invite aussi à sortir. Et cela demande une audace, un déclic missionnaire. C’est exactement ce que nous voulons vivre aujourd’hui. Lors des journées diocésaines précédentes, nous avions proposé un petit exercice : « qui est Jésus pour toi ? » Évidemment, chacun est surpris. Mais le fait de répondre et d’offrir ce cadeau à l’autre fait grandir et devenir missionnaire.

Pourquoi dites-vous que cela fait grandir ?

Parce que vous mettez des mots sur ce que vous ressentez. Pour apprendre à courir, il faut se mettre à courir. Pour apprendre à marcher, il faut faire un premier pas, et plus on avance, plus on se fortifie. Je crois que plus nous exprimons notre foi, plus nous avons l’audace de la porter à l’autre avec le talent que nous avons reçu, et bien plus elle se fortifie.

Pourquoi faudrait-il mettre ses talents au service de l’annonce de l’évangile ? Pourquoi ne pas les garder pour soi ?

D’abord parce que le Christ nous le demande, il nous en a donné l’ordre : « allez de toutes les nations, faites des disciples. Comme le père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Vous recevrez une force et vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre ». C’est l’ultime parole de Jésus-Christ. Et bien, nous sommes obéissants : un disciple est toujours un missionnaire.

Quand un catholique reçoit le sacrement de la confirmation, il reçoit 7 dons de l’Esprit Saint, des dons qui doivent lui permettre d’annoncer la Bonne Nouvelle : les dons de sagesse, intelligence, science, force, conseil, piété et crainte de Dieu. Le chrétien confirmé sent-il, voit-il de manière tangible ces dons ?

S’il les exerce ! Je viens de célébrer le sacrement de la confirmation d’une quinzaine de personnes, adultes et jeunes. Les réactions sont bien différentes, certains, pleurent, d’autres sourient, parfois ils sont graves… Je suis sûr que le Saint-Esprit agira en eux. Pour les uns c’est immédiat, donc ils s’en souviendront. D’autres ne le sentiront peut-être pas, mais ils le découvriront s’ils le prient. Je dis souvent « ne laissez pas l’Esprit Saint au chômage, il ne demande qu’à travailler ». Pour cela, il faut lui demander de travailler, il faut le prier. J’invite les confirmands et els confirmés à prier chaque jour l’Esprit Saint.

 Cela suppose d’être docile à l’Esprit-Saint ?

Bien sûr ! C’est un apprentissage. Mais au commencement, il y a le désir de suivre le Christ, son appel. Nous sommes maladroits. Mais s’il y a le désir, il saura nous conduire où il veut.

Le 24 novembre au forum spi sur les talents, on a entendu des témoignages de personnes, de laïcs, qui ont sur se laisser guider et guider leur vie par l’esprit-saint. Lequel de ces témoignages vous a le plus marqué ?

J’ai beaucoup aimé celui du directeur de Dialogue-RCF ! [Amaury Guillem, ndlr]. Je le connaissais par ailleurs. Il a dit clairement que tout nouvel appel, il l’a entendu dans la prière. J’aurais pu citer le témoignage de Caroline Fleury, qui lui a fait découvrir et déployer ses talents. La conversion, c’est de se tourner vers le Christ. C’est lui qui nous révèle nos talents ! C’est la conviction forte d’un chrétien.

Le 24 novembre au forum spi sur les talents, une trentaine de paroisses a présenté les bonnes idées, les bonnes initiatives qu’elles ont développées. Quelle initiative missionnaire vous a particulièrement marqué ?

Il y en a une qui m’a bouleversé. J’étais au courant mais le fait de voir le stand qui s’y référait, cela m’a beaucoup touché. C’est l’initiative de Septèmes-les-Vallons : en 5 ans, la paroisse est passée de 3 à 35 enfants catéchisés (3-7ans). Cette paroisse a fait le choix de se refonder sur le baptême, celui des bébés. La paroisse a cru en la grâce qui est donnée au baptême des bébés. Le curé a réussi, petit à petit, à faire prendre conscience que c’est une chance extraordinaire, pour les parents et pour la famille. Il a su accompagner ces familles, et elles ont répondu. L’éveil à la fois des enfants se fait avec les parents. Donc c’est une véritable communauté chrétienne qui se forme à partir du baptême des tout-petits avec leurs parents.