« Je rends grâce pour vous » : Lettre de Mgr Dufour aux prêtres

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Chaque année, au début du mois de juin, l’Église catholique célèbre la fête du Cœur de Jésus, dédiée à la prière pour la sanctification des prêtres. Cette année, Mgr Dufour, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles, a eu le désir d’adresser à tous les prêtres de son diocèse une longue lettre. Voici le contenu.

Lettre aux prêtres pour la fête du Sacré Cœur 2018

Chers amis

« Soyez dans la joie et l’allégresse ! » A l’approche de la fête du Sacré Cœur où les fidèles sont invités à prier pour la sanctification des prêtres, est monté en moi le désir de vous offrir ces mots de l’évangile des Béatitudes par lesquels le pape François ouvre sa magnifique exhortation apostolique sur la sainteté. Gaudete et exultate ! A cette occasion je viens vous partager mon action de grâces et ma prière.

Je rends grâces pour vous, mes plus proches collaborateurs qui m’avez accueilli en Provence il y aura bientôt 10 ans. « Le Seigneur demande tout » écrit le pape François (GE 1), et vous lui avez tout donné en répondant à l’appel à être prêtres. « Il veut que nous soyons des saints » écrit encore le Saint Père (GE 1), et vous avez choisi de faire de toute votre vie une imitation de la sainteté du Christ, le seul Saint. Nous avons à nous aider les uns les autres à grandir sur ce chemin de sanctification. Trois fois, à notre baptême, à notre confirmation et à notre ordination sacerdotale, nous avons reçu le don de l’Esprit Saint, par l’imposition des mains et l’onction du saint chrême. Cette grâce sacramentelle féconde toute notre vie et notre ministère sacerdotal. Quel bonheur ! Quelle joie ! Deo gratias !

L’appel à la sainteté

Dans son exhortation, le pape François s’adresse avant tout aux baptisés. Le baptême est l’appel à la sainteté. Dans sa lettre pour le nouveau millénaire, saint Jean Paul II avait fait de la sainteté le fondement de la programmation pastorale. « Demander à un catéchumène : ‘’Veux-tu recevoir le baptême ?’’ signifie lui demander en même temps ‘’Veux-tu devenir saint ?’’ » (NMI 31). Tous les baptisés sont ainsi « programmés » pour être des saints. La grâce du baptême est le don de la sainteté même de Dieu, en son Esprit Saint qui habite l’âme profonde de celui qui est devenu enfant de Dieu par le baptême. « Le baptême est la seule et unique source de toute la vie chrétienne… La grâce baptismale n’est pas une grâce parmi d’autres, elle est la grâce par excellence » écrit le frère Benoît-Dominique de la Soujeole dont tout le livre « Prêtres du Seigneur dans son Eglise » vise à montrer que la spiritualité du prêtre diocésain le conduit à faire croître la grâce de sanctification qu’il a reçue à son baptême. « Le ‘’caractère’’ est un don qui n’est pas sanctifiant de soi (il indique un charisme particulier), alors que la grâce baptismale orientée par la grâce du sacrement de l’ordre en une logique de vie précise, elle, est au principe de la sainteté, unique vocation de tous les baptisés ».

La sainteté dans le ministère de prêtre

Le pape François s’adresse aussi d’une manière particulière aux prêtres. C’est d’ailleurs en pasteur qu’il parle, et il a dans son cœur tout le peuple des chrétiens. La sainteté du prêtre contribue à la fécondité de la grâce de son ordination sacerdotale. Je retiens ici plus particulièrement deux petites notes pastorales et spirituelles qui peuvent éclairer le prêtre sur le chemin de sa sanctification.

Je retiens tout d’abord le regard du pasteur qui contemple son peuple à la manière du Christ. « J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu » (GE 7). Il voit la sainteté des parents qui éduquent jour après jour leurs enfants avec amour. Il voit la sainteté de ses proches, les saints « de la porte d’à côté ». Il voit les signes de sainteté que le Seigneur lui offre chez les plus humbles. Il voit la sainteté de la dame qui va au marché, qui résiste à la tentation de dire du mal des autres, qui prend le temps d’écouter son enfant même lorsqu’elle est fatiguée, qui prend chaque jour le temps de prier son chapelet. Entraînons-nous à voir la sainteté des petits gestes au sein du peuple qui nous est confié.

Je retiens ensuite l’appel à la joie surnaturelle. « Il y a des moments difficiles, écrit le pape François, des temps de croix, mais rien ne peut détruire la joie surnaturelle » (GE 125). Je sais que, malgré tout votre zèle apostolique, votre ministère est cause de bien des souffrances et des déceptions. Conflits au sein des communautés, parfois parmi vos plus proches collaborateurs. Esprit de revendication de ceux qui considèrent l’Eglise comme un service public et exigent leurs droits ! Et surtout, la souffrance de voir que, en apparence, la grâce des sacrements ne porte pas beaucoup de fruits dans la vie des personnes, et qu’elle n’édifie pas une communauté de disciples qui témoignent auprès de tous de la rencontre du Christ ressuscité. Voilà pourquoi il nous faut cultiver ensemble la joie surnaturelle. Elle est « une assurance intérieure, une sérénité remplie d’espérance » (GE 125).

J’ajouterai un trait de la grâce de sainteté que reçoit le prêtre lorsqu’il célèbre les sacrements, et particulièrement lorsqu’il prononce les paroles du Christ dans l’Eucharistie. « Ceci est mon corps livré pour vous. Ceci est mon sang versé pour vous ». Je vous avoue que, chaque fois que je prononce ces paroles, je ressens toute mon indignité. Mais dans le même mouvement j’entends résonner avec une force exceptionnelle l’appel à la sainteté. C’est mon corps que je livre, moi aussi, dans le Christ. C’est mon sang que je suis appelé à verser, moi aussi, dans le Christ. A chaque fois que je célèbre la messe, je renouvelle l’offrande de toute ma vie dans le Christ, je me sanctifie. Et je me remémore les paroles de la prière sacerdotale du Christ avant sa Passion : « Pour eux, je me sanctifie moi-même afin qu’ils soient aussi sanctifiés en vérité » (Jn 17,19). Ne nous laissons pas voler la joie surnaturelle que nous puisons chaque jour dans le Cœur Sacré de Jésus.

Prêtres : éducateurs de la sainteté

Par sa parole, son témoignage et sa charité pastorale, le prêtre est un éducateur de la sainteté des fidèles. C’est à petits pas que chaque baptisé progresse sur le chemin de la sainteté. Et le prêtre, éducateur de la sainteté, accompagne les fidèles et les communautés sur ce chemin. Oserais-je vous demander de mettre tout votre cœur et toutes vos forces dans cette mission, avec une priorité pour les petits, les pauvres, les enfants et les jeunes ?  Accompagner la croissance de la vie chrétienne des jeunes générations est une nécessité pour que vivent demain des communautés aimantes et fraternelles qui témoignent de l’amour du Christ vivant. C’est aussi une nécessité pour que puissent éclore les vocations sacerdotales et religieuses. Prêtres, vous avez une responsabilité primordiale dans cet accompagnement. Je rappelle ici les cinq repères que j’ai donnés le lundi saint 2016 pour cet accompagnement.

  • Accompagner la vie de prière des enfants et des jeunes : ils ont besoin de conseils très concrets, adaptés à leur âge et à leur expérience.
  • Accompagner leur vie sacramentelle, en particulier la pratique de l’Eucharistie et du sacrement de la Réconciliation.
  • Accompagner sur leur relation au Christ, Parole de Dieu: apprendre aux enfants et aux jeunes à ouvrir les Ecritures, à se nourrir de la Parole de Dieu, à relire leur vie à la lumière de cette Parole.
  • Accompagner l’apprentissage du don de soi: par des exercices quotidiens, des services petits et grands, faire expérimenter qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.
  • Accompagner la découverte de l’Eglise : faire aimer l’Eglise, comme une famille.

Le séminaire Saint Luc : une école de sainteté

Mon action de grâces monte aussi vers Dieu pour les vocations sacerdotales que Dieu suscite au sein de notre Eglise diocésaine. Après deux années d’épreuves et de combat contre les forces du Malin, le séminaire Saint Luc retrouve paix et sérénité, confiance et joie surnaturelle. Je remercie le père Christophe de Dreuille et l’équipe des pères pour leur engagement sans faille dans une mission, exaltante mais rude, exposée à un combat spirituel dont l’équipe a payé chèrement le prix. Oui, rendons grâces à Dieu.  Pour notre diocèse, nous avons eu la joie d’accueillir cinq nouveaux en septembre 2017, et cinq autres s‘annoncent pour septembre 2018. Deo gratias ! Votre prière et votre témoignage fécondent l’appel. Ne relâchons pas l’effort. Ravivons sans cesse le désir que des jeunes répondent à l’appel. Appel à la sainteté de leur baptême, comme prêtres au service de la sanctification du peuple de Dieu. Appel à la joie surnaturelle de l’ordination sacerdotale.

Ce vendredi, en la fête du Sacré Cœur, nous contemplons le crucifié et son cœur transpercé. Nous n’avons pas à craindre d’être pauvres, puisque « le Christ s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (II Co 8,9). Notre pauvreté nous unit au Christ pour nous faire riches de l’amour de Dieu et de sa miséricorde infinie. Notre pauvreté creuse en nous le désir d’être comblés par la tendresse de Dieu et sa grâce de compassion. Notre pauvreté nous unit à celle des apôtres pour que soit manifestée la puissance de Dieu, et le Christ nous dit comme à l’apôtre Paul : « Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (II Co 12,9). A l’image de la barque sans rame ni voile de nos saintes de Provence, nous sommes une Eglise aux mains nues qui s’appuie sur la grâce divine dont le Cœur de Jésus est la source. J’écris cette lettre en la fête de la Visitation. « Heureuse celle qui a cru ! » (Luc 1,45). Marie, Mère de la foi et Mère de l’Eglise, priez pour nous. Marie, mère de notre Eglise diocésaine, priez pour que nous soyons une Eglise de saints. Marie, Mère des prêtres, priez pour notre sanctification.

 

+ Christophe DUFOUR

Archevêque d’Aix-en-Provence

Jeudi 31 mai 2018, en la fête de la Visitation

Retrouvez l’interview de Mgr Dufour sur RCF à propos de cette lettre ici